Ronsard est resté, reste et restera toujours un grand nom de l’histoire de notre littérature : c’est que sa réforme était nécessaire et qu’elle a véritablement ouvert des destinées nouvelles à la poésie nationale. […] Combien de bons et ingénieux esprits, que leurs qualités naturelles destinaient peut-être à quelque chose de mieux, l’exemple de leurs succès faciles a-t-il déjà séduits ? […] Et tous ceux qui, sur la foi de quelque vague pressentiment ou de quelque violent appétit de jouissances, se croiront promis à quelque haute destinée, s’ils ont plus d’amour du pouvoir que de chaleur d’imagination, iront demander la gloire aux œuvres de la politique ; ou la moissonner sur les champs de bataille de la République et de l’Empire, s’ils ont moins de froide ambition calculatrice que de chaleur de cœur.
On n’y trouve pas trop de ces détails comme il y en a dans l’Oraison funèbre de Mme d’Aiguillon : « Les eaux de la mer n’éteignirent pas l’ardeur de sa charité11 » ; ou comme dans l’Oraison funèbre de M. de Lamoignon : « Le premier tribunal où il monta fut celui de sa conscience » ; ou comme dans l’Oraison funèbre de Mme de Montausier : « Il n’y a rien de si aimable que l’enfance des princes destinés à l’empire… et ils règnent d’autant plus fortement dans les cœurs qu’ils ne règnent pas encore dans leurs États. » Mais, après tout, ce sont là des vétilles, et quelques antithèses de ce goût dans l’Oraison funèbre de Turenne ne suffiraient pas pour en déprécier la valeur : Voltaire pensait, non sans raison, que le style de Balzac n’était pas disconvenant au genre de l’oraison funèbre. […] Tant que j’ai voulu être moi-même l’arbitre de ma destinée, je me suis confondu dans mes propres projets. » Il a fréquemment de ces prières, et qu’il place toujours avec un art consommé, dans le moment précis où, comme sur un champ de bataille, il ne faut plus qu’un dernier effort pour assurer la victoire. […] Si j’avais destiné ma pièce au théâtre, les comédiens la joueraient sans ce retranchement.