Trop de vieux, (et de vieilles), ont vécu sur la vigne, sur la délicate vigne, penchés comme sur une enfant, penchés toute la vie, (ce qui donne des courbatures quelquefois même à ceux qui sont habitués, qui ont l’habitude, (il n’a pas l’habitude), penchés, courbés, pliés, en deux comme le disait ma grand-mère (on est toute en deux) pour tailler, sarcler, biner, choyer, désherber, cajoler, regarder, (regarder croître, regarder pousser, regarder mûrir, encourager ; pousser du regard), (faire réellement pousser du regard), vendanger d’ingrates et de reconnaissantes vignes. […] Puissé-je écrire jamais comme on essuyait les meubles, la mée, le buffet, le lit, (il n’y avait même pas d’horloge), puissé-je avoir jamais cette impression de victoire et de calme, cette certitude, cette plénitude, cette solitude, cette impression de possession définitivement, irrévocablement acquise, au moins pour un jour, puissé-je devant une phrase fouillée comme un buffet avoir cette vivante, cette laborieuse, cette ouvrière certitude, être sûr qu’au plus creux des fines, des délicates, des droites, des robustes moulures, pas plus qu’au plat le plus plan, au plat du plus large plan, au plus beau plat de bois luisant, au plus beau panneau, être plus que mathématiquement sûr qu’il ne reste pas pour aujourd’hui un grain de la poussière d’hier, sur le bois luisant, sur le noyer ciré d’avoir été ciré, d’avoir été frotté tant de fois tant de jours que derechef il ne reste pas un atome de poussière.
« Le jeune roi, dit Saint-Simon, élevé dans une cour brillante où la règle et la grandeur se voyaient avec distinction, et où le commerce continuel des dames, de la reine-mère et des auteurs de la cour l’avait enhardi et façonné de bonne heure, avait primé et goûté ces sortes de fêtes et d’amusements parmi une troupe de jeunes gens des deux sexes, qui tous portaient et avaient le droit de s’appeler des dames et des seigneurs, et où il ne se trouvait que bien peu, ou même point de mélange, parce qu’on ne peut appeler ainsi trois ou quatre peut-être de médiocre étoffe, qui n’y étaient admis, visiblement, que pour être la force et la parure du ballet par la grâce de leur figure et l’excellence de leur danse, avec quelques maîtres de danse pour y donner le ton. » À ce compte, Molière et Lulli, son compère, étaient lisiblement et uniquement admis, en cette illustre compagnie de jeunes gens et de jeunes dames : « Formés à la grâce, à l’adresse, à tous les exercices, au respect, à la politesse proportionnée et délicate, à la fine et honnête galanterie », parce que, sans le poète et sans le musicien, il n’y avait pas vraiment de divertissement qui fût possible.