Voici comment Corneille lui-même, avec une agréable ingénuité, dans l’Examen qu’il fit de sa pièce, cinquante ans plus tard, s’explique sur ce point délicat : … « Les deux visites que Rodrigue fait à sa maîtresse ont quelque chose qui choque la bienséance de la part de celle qui les souffre : la rigueur du devoir voulait qu’elle refusât de lui parler, et s’enfermât dans son cabinet, au lieu de l’écouter ; mais permettez-moi de dire avec un des premiers esprits de notre siècle « que leur conversation est remplie de si beaux sentiments, que plusieurs n’ont pas connu ce défaut, et que ceux qui l’ont connu, l’ont toléré ». […] Alors enfin, poussée à bout, la pauvre Chimène, avec toute la plénitude de la tendresse la plus profonde si longtemps contenue, et de la pudeur la plus délicate vaincue par l’amour le plus noble et le plus élevé, laisse échapper, d’une voix basse, passionnée, pleine et vibrante, ces paroles divines qui récompensent d’un seul coup tant d’adoration : Puisque, pour t’empêcher de courir au trépas, Ta vie et ton honneur sont de faibles appas, Si jamais je t’aimai, cher Rodrigue, en revanche Défends-toi maintenant pour m’ôter à Don Sanche ; Combats pour m’affranchir d’une condition Qui me donne à l’objet de mon aversion.
La moindre allusion politique fait disparaître l’aptitude à tous ces plaisirs délicats qui sont l’objet des efforts du poète.