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294. (1886) Le naturalisme

Comme défaut, il a tous ceux qui manquent à Beyle : lyrisme, enflure, remplissage ; mais quelles beautés ! […] Aussi je préfère déclarer, dès maintenant, quelle affection j’ai pour eux et avouer ingénument que jusqu’à leurs défauts me captivent. […] Il la considère comme un défaut grave, héritage des romantiques. […] Ces défauts sont-ils réellement dus à la tradition romantique ? […] Je crois plutôt que c’est au défaut de prudence, au cynisme brutal avec lequel il est traité.

295. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Une tentation dont on a d’abord à se garder quand on se débarrasse ainsi du Sully de convention pour vouloir retrouver le réel, c’est d’aller à l’extrémité contraire, c’est de lui chercher un défaut précisément à la place de la qualité dont on l’avait loué, c’est de diminuer sa grandeur, parce qu’elle n’est pas tout à fait celle qu’on avait, dans les derniers temps, préconisée. […] Parmi les remarques un peu longuement déduites, mais justes, au nombre de treize, qui précèdent les Mémoires de Sully, et dans lesquelles il est donné quelques conseils aux historiens futurs, il est une prescription qui est particulièrement vraie, et qu’il convient de nous appliquer à nous tous en l’étudiant, à savoir : Que les historiens ne témoignent point de vouloir faire des recherches trop exactes des défauts et des erreurs d’autrui, tellement secrets et cachés qu’ils ne sont connus d’aucune personne qui en ait reçu dommage ou offense, et desquels nulles voix publiques ne se sont jamais plaintes, ni que l’on ait su que les peuples en général ni en particulier en aient non plus reçu dommage visible et notoire. […] Encore une fois, Sully, comme s’il avait prévu à l’avance ces dénigrements de détail et ces dégradations de l’histoire, a dit ou fait dire par la plume de ses secrétaires : « Que si quelques grands rois, capitaines, magistrats ou chefs d’armées, de républiques et de peuples, qui ont acquis une générale réputation d’avoir été excellents ès faits d’armes, de justice et de police, ont eu quelques vices et passions particulières secrètes et cachées, qui n’aient point porté de préjudice au public, et dont la publication ne peut apporter aucun avantage », il est bienséant à un historien de les taire et de ne point passer sous silence « les vertus, belles œuvres et actions manifestes » pour s’en aller scruter et découvrir « les défauts et manquements secrets ». […] Le retour du roi de Pologne Henri III et son arrivée en France, le démenti donné du premier coup aux espérances qu’on avait de lui, ne sont pas moins bien notés ; ce dernier des Valois arrive avec le dessein, qui lui a été suggéré par de sages princes et conseillers qu’il a vus au passage (en Autriche, à Venise et en Savoie), d’octroyer la paix à tous ses sujets et de rétablir l’ordre et la concorde avec traitement égal pour tous ; mais, à peine arrivé, il fait défaut, se laisse retourner par la reine sa mère, s’engage dans je ne sais quelle petite guerre et quel petit siège qu’il est obligé de lever avec mille sortes de reproches et d’injures que lui lancent du haut des murailles les femmes et les enfants : Ce honteux décampement, dit Sully, l’aversion que le roi témoigna dès lors de toutes choses généreuses et de la vraie gloire, qui ne s’acquiert que par les armes, et une inclination et disposition portée toute au repos, aux délices et plaisirs, le firent tomber en mépris qui engendra la haine, et la haine l’audace d’entreprendre contre lui, de laquelle procéda sa perdition avec infamie.

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