Ne peut-on pas, d’après les autres détails de sa vie, ajouter encore pour l’instruction des jeunes Poëtes, & les prémunir contre les écarts de leur imagination, que Villon ne respecta dans ses Ecrits ni la Religion, ni le Gouvernement, ni les personnes ; qu’il se permit sans honte les injures les plus grossieres & les libelles les plus dangereux ; qu’il avilit ses heureuses dispositions, & particuliérement le talent de la plaisanterie, en se jouant de tout dans ses Vers, & même de son honneur ; qu’enfin ces excès, après lui avoir ravi le repos pendant sa vie, ont entiérement éclipsé sa gloire dans la postérité ?
Il ne s’ensuivrait pas que la race humaine dût se prêter à servir d’aliment aux facultés gigantesques d’Alexandre ; mais on peut dire que, d’après sa nature, lui, ne savait être heureux qu’ainsi. […] Quant aux coupables qui n’ont point foi à l’existence future et dont la considération dans ce monde est perdue, le Suicide, d’après leur manière de penser, n’a d’autre inconvénient pour eux que de les priver des chances heureuses qui leur resteraient encore, et chacun peut estimer ces chances ce qu’il veut d’après le calcul des probabilités. […] N’avons-nous pas éprouvé, même à part des sentiments religieux, que notre disposition intérieure n’était pas toujours en rapport avec nos circonstances, et que souvent l’on se sentait plus ou moins heureux qu’on n’aurait dû l’être d’après l’examen de sa situation ? […] Cette doctrine est une de celles, d’après laquelle on peut le mieux motiver le Suicide, et elle met en évidence le genre d’égoïsme qui se mêle, ainsi que je l’ai dit, à l’acte même par lequel on veut s’anéantir. […] Alors d’un consentement mutuel l’homme a brûlé la cervelle à la femme, et s’est tué lui-même l’instant d’après.