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30. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Si la grandeur du pied ou la grosseur de la tête m’avait été donnée, aussi-tôt j’aurais achevé la figure d’après les règles de proportion connue ; mais le poëte ne m’indique que les deux bouts de son colosse, et leur distance est la seule chose que mon imagination saisisse. […] Pour donner une forme à ces bras, pour les voir énormes, il eût fallu déterminer la portion du ciel qu’ils me dérobaient ; par exemple, la voie lactée ; alors j’aurais eu un module ; d’après ce module, mon imagination confondue aurait inutilement cherché à achever la figure, et je me serais écrié : quel épouvantable colosse ! […] Il me donne la mesure des deux bras de son Amphitrite, par l’immensité des rivages qu’ils embrassent ; et, ces deux bras une fois imaginés d’après ce module, d’après le rythme énorme du poëte, d’après le cheminer de ce longo margine terrarum, ce porrexerat qui ne finit point, cet emphatique et majestueux spondaïque Amphitrite , sur lequel je me repose, le reste de l’image s’étend au-delà de la capacité de ma tête.

31. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

S’il en est ainsi, n’est-il donc pas possible de prouver que les combinaisons de l’ordre moral sont aussi régulières que les combinaisons de l’ordre physique, et de fonder des calculs positifs d’après ces combinaisons ? […] En joignant à ce calcul la connaissance éprouvée des effets de telle ou telle institution, l’on pourrait fonder les pouvoirs politiques sur des bases à peu près certaines, mesurer la résistance qu’ils doivent rencontrer, et les balancer entre eux, d’après leur action réelle, et l’influence des obstacles sur cette action. Pourquoi ne parviendrait-on pas un jour à dresser des tables qui contiendraient la solution de toutes les questions politiques, d’après les connaissances de statistique, d’après les faits positifs que l’on recueillerait sur chaque pays ? […] Les philosophes doivent donc, en politique, se proposer de soumettre à des combinaisons positives tous les faits qui leur sont connus, pour en tirer des résultats certains d’après le nombre et la nature des chances. […] La science politique s’appliquant toujours aux hommes réunis en nation, les probabilités, dans cette science, peuvent équivaloir à une certitude, vu la multiplicité des chances dont elles sont tirées ; et les institutions que vous établissez d’après ces bases, s’appliquant elles-mêmes aussi au bonheur de la multitude, ne peuvent manquer leur objet.

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