Entre ces esprits de nouvelle portée et que la nature, comme en réaction elle-même contre les formes précédentes, tentait de façonner sur un autre moule, l’abbé de Saint-Pierre n’est pas le moins remarquable ni le moins curieux à observer, par l’insistance et l’opiniâtreté de sa vocation dans sa ligne unique, par ses absences et ses lacunes sur tout le reste. […] C’est ainsi qu’il a noté des souvenirs, pour nous assez curieux, d’une conversation avec Nicole, et qu’il nous a laissé un précieux témoignage de plus, en faveur du théologien radouci et de la modération finale de ses sentiments.
Les esprits curieux et libres, les esprits délicats et fins, sont enclins à ne pas goûter Bossuet, et ils ont leurs raisons pour cette antipathie. […] Ce latinisme intime et si sensible de Bossuet dans sa parole française me paraît plus qu’un accident, qu’un trait curieux à noter ; c’est fondamental chez lui, c’est un caractère constant ; il nous en a avertis quand il a dit, dans ses Conseils pour former un orateur sacré : « On prend dans les écrits de toutes les langues le tour qui en est l’esprit, — surtout dans la latine dont le génie n’est pas éloigné de celui de la nôtre, ou plutôt qui est tout le même. » Il réintègre ainsi, par l’acception qu’il leur donne, quantité de mots dans leur pleine et première propriété et sincérité romaine ; il en renouvelle ainsi la saveur, la verdeur.