Je ne sais pas de plus curieuse, de plus coquette dissertation à la Boissonade. […] Grün, le plus considérable et le plus complet entre les plus récents, à faire quelques remarques encore sur cette nature multiforme et infinie du plus curieux et du plus amusé des philosophes. […] C’est que c’est d’abord l’homme ennuyé et qui se fuit lui-même, puis c’est l’artiste surtout qui voyage en la personne de Chateaubriand : chez Montaigne, c’est le curieux amusé de la vie, et qui dépense la sienne sans compter. […] Dans cette succession rapide de vues et de mœurs si diverses et si contraires, un préjugé réfute et chasse l’autre, et ne lui laisse pas le temps de faire le fier ; et le philosophe libre, sans aucun effort de lutte ni de contradiction, y trouve son compte, en même temps que le curieux son plaisir. […] Aussi avons-nous vu quel charmant, quel commode et quel joli voyageur c’était que cet homme de cabinet qui avait en lui l’étoffe de plusieurs hommes ; quel naturel heureux, curieux,-ouvert à tout, détaché de soi et du chez-soi, déniaisé, guéri de toute sottise, purgé de toute prévention.
Marais, à le bien lire, nous apprend ainsi quantité de détails curieux sur nos grands auteurs ses contemporains ; il donne la clef de particularités, déjà obscures. […] Quand il voulait savoir le vrai, non ce qui s’affiche et se répète, mais le fin mot sur les illustres du temps, il ne s’en rapportait qu’à lui : « Que j’admire, lui écrivait-il (2 octobre 1698), l’abondance des faits curieux que vous me communiquez touchant M. […] Cela me fait juger, monsieur, qu’un Dictionnaire historique et critique que vous voudriez faire serait l’ouvrage le plus curieux qui se pût voir. […] À la mort du célèbre critique et à son intention, il se lia fort avec une bonne et docte dame, Mme de Mérigniac, qui avait le même culte, et les lettres qu’il lui adresse (1707-1712) sont des plus intéressantes pour les curieux et pour ceux qui aiment à entrer dans la familiarité des génies. […] C’est, qu’ils ne sont pas polis comme était notre ami, que je soutiens toujours qui l’était, malgré ceux qui n’ont que la politesse des paroles. » L’admiration de Marais pour l’auteur de ce curieux Dictionnaire historique, où la part des faits et celle des réflexions sont en effet distinctes, n’allait pas cependant jusqu’à lui passer l’article David où l’érudit s’était par trop émancipé en malices, et où il avait donné carrière à un certain libertinage d’esprit qui calomniait ses mœurs.