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872. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

« Vous croyez, dit-il, apprendre à connaître Tacite dans une traduction : eh bien, désabusez-vous ; vous ne le connaissez pas, vous ne le connaîtrez jamais par ce moyen ; on vous montre un fantôme, et l’on veut vous persuader que vous voyez Tacite : n’en croyez rien ; ce n’est pas lui, ce n’est pas même son ombre. » Dans la première ferveur du paradoxe, il ne tient nul compte de cette amélioration progressive, de cette sorte de perfection chronologique par laquelle la traduction la plus récente l’emporte presque nécessairement sur ses aînées. […] Si l’on est attentif à l’impression littéraire qu’on éprouve à la lecture de Tacite, si on la dégage de tant d’autres émotions non moins vives qui la compliquent, voici ce qu’on observe, je crois. […] Ces membres qu’au premier coup d’œil on croirait rompus, épars, simplement pressés les uns contre les autres, un lien Invincible les unit, une vie commune les meut, un seul et même souffle de pensée les anime. […] En examinant sous le rapport du style ce premier livre des Histoires, traduit par l’illustre auteur, nous l’avons trouvé plus digne qu’on ne croit de Tacite et de lui, par le ton libre et ferme qui y respire, et je ne sais quelle séve de grand écrivain qui y circule ; on sent qu’il y traite son émule d’égal à égal, et que même, au besoin, il s’inquiète assez peu de le brusquer.

873. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Pris ainsi au dépourvu par l’événement, les novateurs se sont crus obligés de finir en toute hâte ce qu’ils avaient jusque-là essayé avec plus de lenteur ; et sur quelques fondements réels, sur quelques faits ingénieusement observés, ils ont vite échafaudé leur monde ; ils ont bâti en un clin d’œil, temple, atelier, cité de l’avenir. […] La Religion et l’Art, ces deux points élevés, ces deux sommets que quelques-uns croient apercevoir devant nous à l’horizon, et qu’ils tâchent de démontrer aux autres, lesquels prétendent n’y rien voir ; ces deux pics merveilleux, qui ne sont pour certains regards sévères qu’une fantaisie dans les nuages, apparaissent aux directeurs de la Revue comme les deux phares de l’avenir ; ils essaient souvent de s’en approcher et d’en gravir les premières hauteurs. […] La philosophie du XIXe siècle se cherche elle-même ; voilà déjà trois ou quatre fois en quinze ans qu’elle croit s’être trouvée et qu’elle va criant par les rues à la découverte avec la joie d’Archimède. […] Cette philosophie pourtant, nous le croyons, n’est pas destinée à une éternelle poursuite sans résultat ; et nous croyons aussi que, ces résultats se produisant, les rédacteurs de la Revue encyclopédique sont faits pour y apporter beaucoup.

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