Et ailleurs, dans la critique courante, dans la poésie, combien n’a-t-il pas servi aux esprits d’être en nombre, en groupes opposés ! […] Delille, qui vient de mourir, y reçoit de fines critiques s’exhalant dans des hommages, et cet habile et inexprimable mélange dénotait bien celui qui saurait, sans refuser l’admiration, maintenir la dignité et la malice délicate de la critique devant les poëtes. […] Mais comme tous les grands critiques, il a son poëte, et ce poëte c’est M. de Chateaubriand. […] Villemain aime donc M. de Chateaubriand, et c’est un trait de son talent de critique. […] ) J’indiquerai aussi, pour qu’on puisse compléter ces jugements l’un par l’autre, un article approfondi du critique allemand Neumann.
Quel est donc le rôle de la critique ? […] Jouir sans comprendre le pourquoi de sa jouissance est le fait du public, mais comprendre ce pourquoi est le fait du critique. […] La plupart des critiques de nos jours ont fait pencher la balance du côté de la liberté. […] Tels sont donc les deux aspects sous lesquels nous apparaît la théorie classique ; tels sont les principes qui guideront notre critique dans la discussion qui va suivre. […] Quand il applique le premier, c’est-à-dire quand il se contente de rechercher dans les écrits les vérités qu’ils contiennent, sans distinguer si ce sont des vérités de tradition ou des vérités d’invention, des vérités de discipline ou des vérités de liberté, sa critique est large et sûre, à la fois souple et forte : elle rajeunit les sujets les plus épuisés par la manière mâle et solide dont elle les relève ; mais, quand il applique le second de ces principes, le principe de la discipline, sa critique prend quelque chose de partial, de jaloux, je dirais presque d’étroit : on sent que ce n’est plus de la critique absolue, mais de la critique relative faite pour un temps, pour combattre certaines passions, pour défendre certains écrits : c’est une critique de combat.