. — Bonstetten, dont ce n’était pas la vocation, éludait, les laissait dire, et les entendait pendant des heures développer leurs plans patriotiques, emphatiques ; lui, qui craignait déjà les ennuyeux, il ne savait bientôt plus comment fuir ces prédicateurs acharnés qui voulaient faire de lui un Raynal suisse ; il en était poursuivi jusque dans le parc de Saint-Ouen, chez Mme Necker ; jusque dans le château de La Rocheguyon, chez ses amies les duchesses de La Rochefoucauld, qui elles-mêmes se mettaient de la partie et devenaient complices : Ce qui ajoute à l’envie de me retrouver chez moi, écrivait-il de La Rocheguyon, c’est que voilà quatre jours que je me trouve avec l’abbé de Mably. « Et quand verrons-nous cette histoire de la Suisse ? […] Le déjeuner, jusque-là, avait été sérieux ; Mlle Necker, qui avait essayé quelque espièglerie avec son père, et qui avait dû se borner à des clins d’œil, était visiblement contenue par la présence de sa mère qui lui imposait et qui même la grondait : elle craignait sa mère autant qu’elle adorait son père.
Louis XIII règne encore, ou plutôt il traîne et achève de mourir : on craint une sédition à Paris (27 avril 1643), « parce que le menu peuple murmurait sur la maladie du roi contre M. le cardinal de Richelieu, sur ce que l’on disait qu’il avait empoisonné le roi, et parlait-on de tirer son corps de Sorbonne et le traîner par les rues, et l’on disait que l’on avait ôté toute magnificence, même retiré son corps. » On retira en effet son corps, et on le porta pour plus de sûreté dans la Bastille, — Quand on reçoit au Parlement son neveu, le marquis de Brezé, pour le duché de Fronsac (30 avril), on ne fait aucune action oratoire, selon l’usage, aucune plaidoirie, « étant trop jeune pour parler de lui, et la mémoire du cardinal étant trop odieuse pour en parler ». […] Il faut qu’ils craignent, ajoute l’honnête d’Ormesson, que recevant si mal une grâce de Dieu, il les en punisse.