Ce n’était pas seulement un grand ministre, c’était un grand cœur ; j’ai passé avec lui en 1821 les semaines glissantes où l’armée napolitaine de Pépé et l’armée autrichienne de Frimont allaient s’aborder à Introdocco et se disputer les États romains envahis des deux côtés, et où Rome attendait des hasards d’une bataille son sort et sa révolution ; il était aussi calme que s’il avait eu le secret du destin : « Experti invicem sumus ego et fortuna », nous disait-il. « Quant au pape, il a touché le fond de l’adversité à Savone et à Fontainebleau ; il ne craint pas de descendre plus bas, laissant à Dieu sa providence. » N’est-on pas trop heureux, dans ces agitations des peuples et dans ces oscillations du monde, d’avoir son devoir marqué par sa place, et ne pouvoir tomber qu’avec son maître et son ami ? […] Toutefois cette seule croyance suffisait pour faire craindre qu’en le nommant on ne vît continuer le règne des Braschi, dont chacun avait assez après vingt-quatre ou vingt-cinq années. […] Nous voulions que ce dernier pût la présenter ensuite comme sienne, sans craindre de nous enlever le mérite de l’invention. […] « Il se chargea donc avec joie de la négociation, et, ne doutant pas de son omnipotence près des siens, il craignit plutôt que la jeunesse de Chiaramonti et ses autres obstacles extrinsèques lui fissent tort près de plusieurs cardinaux de son parti.
L’Amérique est le germe d’un grand peuple : il faut craindre d’en étouffer le germe en parlant trop rudement de ses actes d’hier et d’aujourd’hui. […] Depuis ce temps, auquel nous touchons encore, la jalousie et la défiance populaires, ces seules vertus de la démocratie américaine, qui la rendent stupide quand elles ne la rendent pas féroce, n’ont pas permis à une seule grande nature de citoyen d’arriver à la présidence de la république américaine ; ils ont craint que leur premier magistrat n’eût des pensées plus élevées qu’eux ; ils n’ont pardonné qu’à une certaine médiocrité du parti bourgeoisement probe et intellectuellement incapable de prévaloir dans les élections et d’exercer pour la forme une autorité centrale sans pouvoir, un certain rôle de grand ressort neutre de leur anarchie réelle, ressort qui obéit au doigt de la constitution démagogique, mais qui n’imprime ni halte ni mouvement. […] X Je ne crains pas de le dire hautement, malgré l’opposition naturelle qu’il peut y avoir entre les pensées diplomatiques de la République et les pensées diplomatiques de l’Empire ; contre des intérêts si français, si élevés, si européens, il n’y a pas d’opposition patriotique qui prévale. […] Leur liberté toute personnelle a toujours quelque chose d’hostile à quelqu’un, l’absence de bienveillance leur donne en général le ton et l’attitude de quelqu’un qui craint qu’on ne l’insulte, ou qui cherche à force d’orgueil dans le maintien à prévenir l’insulte qu’on voudrait lui faire.