Dieu l’a mis sur la terre en lui disant : Crée, et il crée. […] Or l’homme ne crée rien, en prenant le mot de création dans un sens absolu. […] d’ailleurs, si nous y parvenions, ce serait encore la nature et pas autre chose, rien de nouveau, rien de produit, rien de créé, mais un monstre qui nous tromperait par son identité avec la nature), — de même l’art n’est pas la reproduction de l’art, car ce serait encore le même tort que pour l’imitation de la nature. […] Quant aux anges, on en parle à tout propos sans y croire ; chacun en crée avec sa fantaisie ; quelques-uns même décrivent leurs amours, et leur composent un langage de toutes les coquetteries du boudoir.
Si l’on adopte l’hypothèse de la création indépendante de chaque espèce distincte, il faut alors admettre que sur chaque île océanique il n’a pas été créé un nombre suffisant des plantes et des animaux les mieux adaptés aux conditions locales ; car l’homme les a involontairement peuplées, beaucoup mieux et beaucoup plus abondamment que la nature, de formes provenant de sources très diverses. […] Mais, d’après la théorie de création, pourquoi n’auraient-elles pas été créées là comme ailleurs ? […] Nous avons vu déjà que sur vingt-six oiseaux terrestres qu’on y trouve, vingt et un et peut-être vingt-trois sont rangés comme des espèces distinctes qu’on suppose créées dans le lieu même ; pourtant rien n’est plus manifeste que les affinités de la plupart de ces oiseaux avec des espèces américaines, dans leurs habitudes, leurs mouvements, leur son de voix et presque en chacun de leurs caractères. […] Pourquoi les espèces qu’on suppose créées dans l’archipel Galapagos, et nulle autre part, portent-elles l’empreinte d’une parenté étroite avec celles que l’on croit spécialement créées en Amérique ?