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1710. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

C’est qu’on l’a peu lu, tout d’abord ; et puis, c’est que l’on voulait que Corneille eût tout créé, tout tiré du néant. […] Non seulement Corneille n’a pas « créé » les moyens de son art, mais on ne peut pas même dire qu’il ait opéré dans l’histoire du théâtre français ce qu’on appelle une révolution. […] Mais n’oublie-t-il pas que toutes les religions en condamnent d’autres encore, qu’elles ont pour ainsi dire créés, comme de manquer à célébrer le jour du sabbat ou le repos du dimanche ? […] Avec un peu de matière et de mouvement nous pouvons créer le monde, et avec un peu de patience ou de persévérance nous pouvons obliger la nature à nous livrer ses derniers secrets. […] J’aimerais mieux, en vérité, si l’on croyait que le génie de Racine tout seul n’eût pu suffire à les créer, que l’on fît d’Hermione et de Roxane des filles de Chimène !

1711. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Et en général, même quand il s’agit des meilleurs écrits de Camille Jordan, parlons moins de son style que de son langage soutenu, toujours noble, de sa parole même : elle a l’ampleur, l’abondance, le flumen ; elle se présente par de larges surfaces et se déroule d’un plein courant, comme il sied à ce qui tombe et s’épanche du haut d’une tribune : elle n’offre pas la nouveauté, l’imprévu, l’éclat, la finesse, qu’on aime à distinguer chez un écrivain proprement dit, les expressions créées, les alliances heureuses, la fleur du détail et ce qui accidente à chaque pas la route. […] Jamais le pouvoir des individus n’a été plus grand qu’à présent, et c’est peut-être la seule fois depuis 1789 où les hommes puissent créer les circonstances.

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