Avant-propos Aujourd’hui, la physiologie expérimentale est entraînée dans un mouvement de développement qui, sans contredit, n’a jamais été aussi considérable ni aussi rapide à aucune autre époque de son histoire. Dans tous les pays, de tous côtés, les travailleurs sont à l’œuvre, et chaque jour l’expérimentation apporte quelque fait nouveau ou quelque découverte importante, soit pour la solution de questions de détail, encore incertaines, soit pour l’établissement de principes généraux, d’autant plus nécessaires que les résultats particuliers se multiplient davantage. On comprend qu’aux époques de transition les traités dogmatiques soient difficiles, parce qu’un ouvrage est déjà vieux avant d’être achevé, et qu’une doctrine court risque d’être renversée avant d’avoir été entièrement formulée. Dans un certain nombre d’années, lorsque cette sorte de fermentation scientifique aura subi son évolution, et que le temps aura mûri les résultats de l’expérimentation, on pourra seulement réunir les conquêtes modernes de la science et les relier par les principes ou les lois qui découleront de leur rapprochement. Mais, en attendant, il m’a paru utile de montrer ce mouvement de la physiologie aux personnes qui s’intéressent à cette belle science, afin qu’elles puissent se rendre compte de la tendance de ses progrès, tant par la méthode suivant laquelle elle procède, que par la nature des idées nouvelles qui surgissent et se trouvent en lutte avec les idées anciennes qui disparaissent.
En effet, reprenant notre exemple dans lequel le physiologiste coupe le nerf facial pour en connaître les fonctions, je suppose, ce qui est arrivé souvent, qu’une balle, un coup de sabre, une carie du rocher viennent à couper ou à détruire le facial ; il en résultera fortuitement une paralysie du mouvement, c’est-à-dire un trouble qui est exactement le même que celui que le physiologiste aurait déterminé intentionnellement. […] Il arrive même qu’un fait ou une observation reste très longtemps devant les yeux d’un savant sans lui rien inspirer ; puis tout à coup vient un trait de lumière, et l’esprit interprète le même fait tout autrement qu’auparavant et lui trouve des rapports tout nouveaux. […] J’arrivai à tenter cette piqûre par suite de considérations théoriques que je n’ai pas à rappeler ; ce qu’il importe seulement de savoir ici, c’est que je réussis du premier coup, c’est-à-dire que je vis le premier lapin que j’opérai devenir très fortement diabétique. […] Je suppose qu’au lieu de réussir du premier coup à rendre un lapin diabétique, tous les faits négatifs se fussent d’abord montrés, il est évident qu’après avoir échoué deux ou trois fois, j’en aurais conclu non seulement que la théorie qui m’avait guidé était mauvaise, mais que la piqûre du quatrième ventricule ne produisait pas le diabète.