Si les actions et réactions de notre cerveau n’étaient pas en harmonie avec les actions et réactions de notre corps entier, nous ne pourrions vivre : il faut donc, en premier lieu, que la loi d’identité avec soi, qui est l’affirmation même de l’être et de la persévérance dans l’être, vienne se formuler au cerveau, en actions d’abord, en idées ensuite. […] Ici, le grand moyen de communication réciproque n’est plus, comme dans le corps vivant, la mutuelle pression et la poussée des cellules, se transmettant l’une à l’autre leurs élans ou leurs arrêts, leur puissance ou leur résistance, par une sympathie immédiate et une commune pulsation de vie ; dans le corps social, des intermédiaires deviennent indispensables : l’action directe doit être remplacée par l’action indirecte, qui s’exerce à distance dans l’espace, à distance dans la durée. […] La parole humaine a des ailes : elle s’envole au-dessus de la réalité présente et des besoins immédiats ; elle est l’idée même revêtue d’un corps subtil et se faisant le plus possible immatérielle ; elle est la raison manifestée, le « verbe ». […] Le mouvement d’une représentation à une autre, ou, comme disait Leibnitz, le passage d’une perception à une autre, est aussi essentiel à la pensée que le passage d’un point de l’espace à l’autre est essentiel au corps qui se meut, que l’oscillation est essentielle au pendule, l’ondulation au rayon de lumière.
Tout à coup, la femme tourne vers lui ses grands yeux, des yeux immenses, relevés à la chinoise… Alors il ne sait comment ça s’est fait, mais, dans le moment la femme a été sur lui et à lui… Il a conservé le souvenir d’un choc de dents, du contact de ses lèvres froides comme la glace, de la chaleur de fournaise de tout le bas de son corps. […] Depuis des années, Gambetta était en renom, au café Procope, où les étudiants venaient le voir, et l’entendre donner la représentation des séances du corps législatif, avec une verve, une mimique, un cabotinage des plus amusants. […] Son corps se soude au vôtre, quand il marche à côté de vous. […] Jeudi 15 août Dans une petite église d’ici, il y a un squelette, enfermé dans une gaze constellée de paillettes, fleurie de feuillages d’or à la façon d’un maillot de clown, un squelette qui a, dans le creux de ses orbites et le vide de ses yeux, deux topazes, un squelette, qui montre un râtelier de pierres précieuses : c’est le corps de « saint Alexandre », présenté à l’adoration des fidèles. […] Je retrouve, au salon, de vieilles anglaises du corps diplomatique, de mûres et fades créatures, à exclamations, à monosyllabes inintelligents, à travers le lapement d’une tasse de thé et la déglutition d’une sandwich.