“Par aucune autre combinaison, s’écrie-t-il avec enthousiasme, je n’ai pu trouver une symétrie aussi admirable dans les diverses parties du grand tout, une union aussi harmonieuse entre les mouvements des corps célestes, qu’en plaçant le flambeau du monde ( lucernam mundi ), ce soleil qui gouverne toute la famille des astres dans leurs évolutions circulaires ( circumagentem gubernans astrorum familiam ), sur un trône royal, au milieu du temple de la nature.” L’idée de la gravitation universelle ou de l’attraction ( appetentia quædam naturalis partibus indita ) qu’exerce le soleil, comme centre du monde ( centrum mundi ), paraît aussi s’être présentée à l’esprit de ce grand homme, par induction des effets de la pesanteur dans les corps sphériques. […] océan sans rivage et sans fond, qui, dans ton flux et reflux éternel, laisse écouler, sans jamais t’épuiser, ces myriades de mondes grands ou petits les uns vis-à-vis des autres, mais qui, par rapport à toi, sont tous également grands, — depuis le soleil qui arpente d’un pas l’incommensurable étendue, jusqu’aux animalcules impalpables dont l’univers est composé, qu’on ne distingue qu’au télescope, et dont les corps organisés et couchés par la mort dans leur sépulcre commun ne formeraient pas l’ongle du doigt d’un enfant avec deux cent millions de leurs cadavres en poussière ! […] « Peut-être, alors, verrons-nous ce rêve sans corps, que vous appelez Dieu !
Ces corps à corps avec la réalité lui sont salutaires : ils la retrempent, lui rendent vigueur et fermeté. […] Chacun sait comment Cuvier, au moyen de quelques ossements fossiles, a pu reconstruire le corps entier d’un animal dont l’espèce a disparu. […] On verrait, par exemple, comment les théories microbiennes d’un Pasteur, ses recherches sur les infiniment petits des corps ont pour pendant les fines études des romanciers analystes, les subtiles anatomies morales d’un Bourget coupant, comme on l’a dit, un cheveu en quatre, ses tentatives pour pousser ses délicates dissections jusqu’au plus menu détail, son talent à saisir et à rendre visibles les infiniment petits du cœur humain ; on verrait comment cette prédominance de l’esprit d’analyse se marque, dans l’érudition du temps, par des discussions acharnées sur un point ou une virgule, par une foule de travaux minutieux dont les auteurs fouillent à la loupe avec une patience infatigable quelque coin exigu du passé.