Que les bienfaits du prince soutiennent ceux que la confiance de ses vertus a fait naître ; négliger le peuple pour les grands, c’est croire que la tête peut subsister en affamant le corps ; c’est hâter la chute de l’État30.
Deux ans après, le 18 septembre 1798 (fin de l’an vi), Daunou, président du Conseil des Cinq-cents, répondait au nom de l’assemblée à une députation de l’Institut qui venait à la barre rendre compte de ses travaux pendant l’année ; il exhortait l’illustre corps à la propagation des idées et des sentiments qui conviennent le plus aux hommes libres, et laissait échapper cette parole tant contestée : « Il n’y a point de philosophie sans patriotisme, il n’y a de génie que dans une âme républicaine ! […] Ce jour-là, par un beau soleil d’automne, le Directoire en grand costume, La Revellière-Lépeaux en tête, sortit à pied de l’École militaire, précédé de tous les ministres, grands fonctionnaires, et des principaux corps de l’État ; chaque membre du cortége tenait à la main une branche de laurier ou de chêne. […] On a beaucoup cité son Discours sur l’état des lettres en France au treizième siècle, qui est, en effet, le plus beau frontispice qui se puisse mettre à l’un des corps d’une histoire monumentale, non originale ; ce discours forme, à lui seul, tout un ouvrage. […] Il fit mander dans la nuit du 19 au 20 juin (1840) son digne exécuteur testamentaire, et dicta une addition à son testament, addition dont le sens et les termes avaient ce cachet de précision et de propriété inséparable de sa pensée « Après mon décès dûment constaté, mon intention est que mon corps soit immédiatement transporté de mon domicile au Jardin Louis, sans annonce, discours ou cérémonie d’aucun genre, avant neuf heures du matin128. » Ceci écrit, il se fit donner le papier, le lut très-attentivement et le signa Pierre Daunou, testateur, de sa main défaillante. […] Mais non : des circonstances et des devoirs l’ont forcé, à son corps défendant, de les produire ; désormais son Cours d’Études historiques, arraché à l’oubli, le dira.