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19. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

Le public à venir, qu’on me permette cette expression, qui en jugera par sentiment, ainsi que le public contemporain en avoit jugé, sera toujours de l’avis des contemporains. La posterité n’a jamais blâmé comme de mauvais poëmes, ceux que les contemporains de l’auteur avoient loüez comme excellens, bien qu’elle puisse en abandonner la lecture pour s’occuper d’autres ouvrages encore meilleurs que ces poëmes-là. Nous ne voïons pas de poëmes qui ait ennuïé les contemporains du poëte, parvenir jamais à une grande réputation.

20. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Nous laissons donc, sans plus de commentaires, la parole au jeune chef des « naturistes » : La jeunesse contemporaine, à laquelle répugnent si évidemment les institutions de la République, ne se trouve pas mieux satisfaite par tant de chimériques romances, d’allégories et de drames languissants dont Richard Wagner, Tolstoï et Ibsen nous ont peu à peu inspiré le goût, et qui menaçaient de détruire, chez nous, les dernières apparences de l’esprit national. […] Si des jeunes gens contemporains paraissent si avides de gloire et d’exploits, c’est que la violence de leurs pères, exaspérés par la déroute et par la période de l’insurrection, sut leur constituer, en effet, un extraordinaire caractère de frénésie intellectuelle. […] En outre, il semble que la jeunesse contemporaine soit portée bien davantage à réclamer un dictateur quelconque qu’à se préoccuper des lois parlementaires ou des démagogues comme Jaurès. […] * *   * Dans cette situation d’esprit, la jeunesse contemporaine que brûlent les plus violentes ardeurs, n’était guère préparée aux légendes, germaniques, et aux délicates chevaleries à l’aide desquelles les poètes précédents (Henri de Régnier, Maurice Maeterlinck) ont pris l’habitude de se célébrer et d’éclaircir leur position morale. […] * *   * Réveil de l’esprit national, culte de la terre et des héros, consécration des civiques énergies, voilà donc les sentiments qui constituent à la jeunesse contemporaine un caractère si singulier, si inattendu et admirable.

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