Comme nous parlions de ce qu’avait dit la veille Tourguéneff, qu’il n’y avait qu’un homme populaire en Russie : Dickens, et que depuis 1830 notre littérature n’y avait plus d’influence et que tout allait aux romans anglais et américains, Taine nous dit que, pour lui, il est certain que l’avenir développera encore ce mouvement, que l’influence littéraire de la France ira toujours en diminuant2, que depuis le xviiie siècle, il y a en France pour toutes les branches de connaissances des hommes remarquables, un beau front d’armée, mais rien derrière, pas de troupes, que c’est toujours l’histoire de la province et de Paris, à l’heure qu’il est… Il ajoute : « Hachette vient de refuser de faire une traduction de Mommsen, et il a eu raison. […] 16 avril Passé la soirée chez les Armand Lefébvre… Une jeune fille de notre connaissance nous raconte ses visites à la sœur de P….., son ancienne amie de Saint-Denis, et qui s’est faite carmélite. […] — Ce soir, en nous promenant au bord de la mer avec une femme de notre connaissance, comme nous lui reprochions un amant indigne d’elle, elle nous dit ingénument : « Qu’est-ce que vous voulez que je fasse, quand il pleut et que je m’ennuie ! […] » En chemin de fer, on cause de la candidature de Gautier à l’Académie : « Elle n’a pas la moindre chance, dit Sainte-Beuve, il lui faudrait un an de visites, de sollicitations, aucun des académiciens ne le connaît… Voyez-vous, le grand point, il faut qu’ils vous aient vu, qu’il aient fait connaissance avec votre figure… Une élection, sachez-le bien, c’est une intrigue, — une intrigue dans le bon sens du mot, — fait-il, en se reprenant… Voyons, et il compte sur ses doigts, il aura Hugo, Feuillet, Rémusat… Vitet, je crois… Il faudrait par exemple qu’il les voie beaucoup, ces deux derniers-là… Si c’était bien mené, il aurait peut-être Cousin… on lui lâcherait la Colonna, qui lui dirait qu’elle veut absolument une symphonie en blanc majeur, à elle personnellement adressée.
Ce fut après un examen qui lui fournit les moyens de développer l’étendue de son savoir et de ses connaissances variées, que Geoffroy l’emporta sur tous ses compétiteurs. […] Il se fit souvent un malin plaisir de troubler les triomphes littéraires de ceux dont il n’aimait point les opinions politiques ; mais les vastes connaissances qu’il possédait dans l’art dramatique et théâtral, lui fournissaient du moins l’apparence d’un juge qui ne prononce ses arrêts qu’après un examen attentif. […] Le problème fut très heureusement résolu par l’Académie : ses membres, à la vérité, pris séparément, étaient de mauvais poètes, des écrivains sans génie, et sans goût ; mais il y avait dans la compagnie de l’érudition, du jugement, une grande connaissance des règles de l’art. […] Convenons cependant qu’une des branches les plus intéressantes des connaissances humaines fut absolument ignorée de Corneille, quoiqu’elle soit aujourd’hui cultivée avec succès ; c’est l’art de faire fortune : en cela seul l’auteur d’Horace est fort au-dessous de nos moindres rimeurs. […] « J’étais révolté, à l’âge de quinze ans, de voir Cinna persister avec Maxime dans son crime, et joindre la plus lâche fourberie à la plus horrible ingratitude. » À quinze ans, il était possible que Voltaire n’eût pas une grande connaissance du cœur humain, et ne sût pas bien précisément quand les remords doivent venir.