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801. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Est-ce que je ne connais pas la mesure de mon cœur ? […] J’ai connu de ces âmes-là, et il m’est arrivé à moi-même d’en décrire une autrefois, dans un roman que cette affinité secrète avait fait agréer de Guérin avec indulgence. […] Cette vie est celle que beaucoup d’entre nous ont connue, et qu’ils mènent encore. […] [NdA] On me dit qu’il n’a pas fait le voyage ; mais je suis bien sûr au moins de la correspondance, car j’y ai vu avec une surprise reconnaissante que mon nom était connu de Wordsworth. […] Aucun de ceux qui connaissent ce drôle de corps, cet homme d’esprit infecté de mauvais goût, ne saurait prétendre que son influence puisse être bonne, à la longue, pour personne ; mais relativement, et pour un temps très court, Barbey dut être utile à Guérin.

802. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

De même que M. d’Estrades, à l’époque de la conquête de Louis XIV, savait cette particularité si essentielle, ce secret des écluses dont la clef était à Muyden (mais il ne fut pas interrogé à temps), de même un homme dont on ne doit parler qu’avec bien de l’estime, le Père Griffet, continuateur du Père Daniel pour l’Histoire de France, l’excellent historien de Louis XIII, celui qui, sans l’exil qui le frappa avec tous les jésuites, allait nous donner un règne de Louis XIV de première main, le Père Griffet avait connu ces sources, y avait puisé et en avait tiré huit volumes de lettres qui sont imprimés (1760-1764) ; mais ces huit volumes, trop peu consultés eux-mêmes, sont peu de chose eu égard à l’immensité du dépôt. […] Saint-Simon, qui n’avait pas eu le temps de connaître Louvois, ne lui en. voulait pas moins personnellement comme au grand niveleur qui avait mis au pas la noblesse dans les armées, qui l’avait réduite à l’égalité dans l’obéissance et la discipline, avait assujetti les plus grands seigneurs (sauf les seuls princes du sang) à débuter par porter le mousquet et à faire le service comme les plus simples gardes, puis, les grades venus, à ne tenir de leur naissance aucune prérogative et à ne figurer qu’à leur rang selon l’ordre du tableau. […] Entre tant de personnages qui, vus de près et saisis en pleine action, tantôt y gagnent et tantôt y perdent, et dont quelques-uns n’accroissent pas leur réputation, ou même la déshonorent, il en est un du moins qui, en chaque rencontre, ne fait que gagner à être de plus en plus connu et mis en lumière, et qui mérite, plus encore que Turenne peut-être, qu’on dise de lui qu’il fait honneur à la nature humaine : c’est Vauban. […] Il faut voir leur correspondance depuis le jour où Louvois, qui ne le connaît pas encore à fond, écrit à l’intendant Charuel (14 octobre 1667) : « Le sieur Vauban est assurément capable de bien servir ; mais il n’est pas inutile de l’exciter à bien faire. […] Je ne pense point vous avoir jamais témoigné désirer autre chose que de la savoir, et je vous répète présentement que, si j’ai à espérer quelque reconnaissance de vous avoir donné occasion de faire votre fortune, ce ne sera jamais d’autre chose que d’être informé, à point nommé, de ce qui se passe et de ce que vous croyez que l’on doit faire, quand même vous auriez connu par mes lettres que cela est contre mon sens. » On dira de Louvois bien des choses, on ne dira pas qu’il n’avait point la probité de son emploi.

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