Les éloges de Chateaubriand, qui sont ce qui l’a le plus flatté au monde, le touchent, mais ne l’enivrent pas ; il se connaît : « J’ai pris ma mesure il y a longtemps, dit-il ; j’ai au moins le mérite d’avoir utilisé mon petit talent, et c’est bien quelque chose. » Le voilà dans son orgueil littéraire, mais rien de plus. […] » Son ami l’académicien Arnault, à qui il fait l’histoire de ces remaniements sans rien lui en communiquer toutefois, s’étonne de tant de constance et de son peu d’empressement à se faire connaître ; il l’invite à publier ses ouvrages : « Je n’en ferai rien que je ne les aie portés au point de la perfection où je sens que puis arriver ; ensuite il en sera tout ce qui plaira au sort ; mais je ne crois pas recueillir jamais le fruit des peines que je me donne. […] Chaque jour même je jetterais du rez-de-chaussée des pierres à ceux qui occupent les étages supérieurs de la maison ; et, comme ils tiennent à leurs vitres, sans faire cas de la lumière, il est à croire qu’ils videraient sur moi leurs cassolettes, pour se débarrasser d’un voisin incommode. » L’image est des plus gaies ; elle est bien de l’esprit espiègle et taquin que nous connaissons. […] Les origines nous sont assez connues maintenant ; il ne convient ni de les agrandir, ni encore moins de les rabaisser. […] » Quand Béranger le connut, Rouget de Lisle était pauvre, aux expédients et même aux abois ; il était, de plus, ce qu’on appelle démoralisé.
Je connais de bien sages vieillards qui, affligés de surdité et sujets à l’insomnie, ont peine à se payer de ces consolations-là. […] Et sans sortir de mon sujet, je me contenterai de dire avec Mme de Lambert : « Il vient un temps dans la vie qui est consacré à la vérité, qui est destiné à connaître les choses selon leur juste valeur. » Or, ce n’est pas apprécier les choses à leur juste valeur que de se grossir démesurément le soleil couchant. […] Je veux citer cette page très belle et vraiment touchante : il vient d’être question de la mort : « La vieillesse aussi, dit-elle, est un mal irréparable : rien ne peut faire qu’on remonte le cours des ans ; mais, comme toutes les situations sans éclat, elle renferme des compensations puissantes et un charme secret, connu seulement de ceux qui s’exercent à le goûter. […] Je n’ose dire pourtant, après cela, qu’on la connaît ; car elle prétend absolument « qu’il faut aimer pour connaître », et, même en la goûtant à bien des endroits, je n’ai pu aller jusqu’à l’aimer.