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379. (1895) Hommes et livres

C’est une conséquence aussi de la force des choses et des conditions actuelles de la vie scolaire. […] C’est ce qu’il veut, je le sais, et c’est la condition de sa puissance. […] Il la croit suffisante pour la grande œuvre qu’il rêve, à condition d’être en de bonnes mains. […] Pour bâtir une pièce sur la donnée que Diderot indique, il faut ou rechercher de quelle lente et puissante influence la condition pénètre le caractère et le modifie, ou exposer quels conflits surgissent de la condition aux prises avec le caractère. […] Car, si la condition des gens de lettres est devenue meilleure, ils se sont amoindris en s’élevant.

380. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Un campagnard suisse ou romain qui à l’occasion devenait chef d’armée, arbitre de la vallée ou de la cité, pouvait avoir des sentiments grands, laisser le gain à d’autres, vivre de pain et d’ognons, et se contenter du plaisir de commander : sa condition le faisait noble. […] Les conditions font les caractères, car le caractère n’est que l’ensemble des sentiments habituels, lesquels naissent de notre état journalier. […] Dans le bourgeois, l’outrecuidance et la condition font contraste ; c’est pourquoi son arrogance, quoique excusable, fait pitié. […] Là est la misère des conditions moyennes. […] Ils se sentent de leur condition, qui est basse, qui les met dans le fumier, dans la boue, et les assujettit aux actions comme aux instincts corporels, La Fontaine ne leur épargne pas les mots vrais, nomme les « hoquetons, les balandras, les jupons crasseux et détestables » ; il peint leurs jardins utiles, « chicorée, oseille, poireaux, maîtres choux, et tout ce qu’il faut pour mettre au potage » ; il montre le roulier embourbé qui jure et peste, et patauge dans le mortier qui enduit ses roues.

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