Necker, et pour accréditer ses opinions ; c’est là que le résultat du conseil, principe de la subversion totale de la monarchie, a été conçu, communiqué, applaudi ; c’est là que l’absence de Necker de la séance du 23 juin a été proclamée comme un acte héroïque : qu’ont été forgés les instruments qui ont brisé le trône. […] Il est bien plus probable que, le dessein conçu, on s’est servi des matériaux qui étaient à portée. Mais ces matériaux, peut-on lui répondre, étaient tellement sous la main et de telle qualité, et si appropriés au dessein une fois conçu, ils étaient d’une nature si vive, si combustible, qu’ils donnaient terriblement envie sinon de bâtir une nouvelle maison, du moins de commencer par brûler l’ancienne.
L’abbé de Pons avait sur les langues une théorie qu’il développera ailleurs ; il aimait à les concevoir philosophiquement, dans leur annotation finale, abstraite, exacte, dans leur tendance rationnelle à devenir une algèbre ; il oubliait qu’elles avaient été primordialement une musique et une peinture. […] Sur un point j’ai dit qu’il avait moins raison au fond : c’est qu’avec sa théorie du plaisir, et qui ne va qu’à désennuyer l’homme, à l’amuser, il n’entre pas dans le sentiment élevé, largement conçu, patriotique et social, qui transporte, qui enivre les générations et les peuples de l’idée de gloire, sentiment qui respire comme une flamme dans l’âme d’Achille, dans celle de son chantre, qui de là passe un jour dans celle d’Alexandre, et qui va encore après trois mille ans faire battre d’émulation un cœur généreux. […] En France nul n’a mieux conçu et pratiqué cette magie des syllabes, cet assemblage et cet accord des mots heureux et beaux par eux-mêmes, que M. de Chateaubriand ; et quoiqu’il l’ait fait avec préméditation, avec artifice, il y a tout lieu de l’en remercier comme du plus grand service rendu au goût, après l’excès de métaphysique et la débauche d’abstraction qui avait précédé.