Dès aujourd’hui l’écrivain qui concevrait entièrement et profondément toutes les façons dont le monde s’est reflété dans des intelligences ne pourrait guère être défini que par cette aptitude même à tout pénétrer et à tout embrasser. […] A l’idéal ainsi conçu il compare les œuvres des écrivains et les exalte ou les malmène selon qu’elles s’en rapprochent plus ou moins. […] Ou bien il me semble qu’au lieu de faire d’André Cornélis un gaillard si prodigieusement énergique (ce qui, au surplus, n’est peut-être pas très compatible avec les habitudes d’analyse à outrance qu’on lui prête en même temps), je l’eusse conçu comme une créature encore plus incertaine que l’Hamlet anglais et l’eusse empêtré, par surcroît, de scrupules et d’hésitations sur son droit au meurtre. […] Armand de Querne, c’est l’homme d’aujourd’hui, un homme qui a conçu et éprouvé tous les états d’âme analysés dans les Essais et qui résume en lui toute la distinction morale et intellectuelle où s’est élevé l’effort des deux dernières générations.
Pour le concevoir, il faudrait saisir l’universalité des Formes, ce qui est impossible ; mais nous reconnaissons Brahma dans Maya lorsque la concordance parfaite de quelques formes nous présente un reflet de la toute Harmonie future. […] Dans la composition, dans l’ordonnance générale d’une œuvre souvent il faut bien que l’idée soit conçue avant que l’on précise sa forme plastique. […] C’est que l’artiste conçut partiellement son œuvre avant d’en saisir à la fois la forme et l’idée générales, d’où toutes les formes auraient dû procéder aussi bien que les idées. […] Souvent quelques vers directs après des strophes aux opulentes visions, ailleurs une pièce entière conçue sans nulle plastique et, apparue telle qu’elle s’illumine entre les symboles qui l’entourent, c’est alors comme au bout d’une longue route dans la forêt, le brusque tournant découvrant un village au soleil.