Mais ce n’est point assez de s’en prendre à chaque individu, il faut attaquer l’Art même ; & jugez si les Troupes sentiront fermenter leur courage, quand elles entendront ainsi parler de leur métier : Cette science exécrable consiste à savoir modifier, arranger, coller plusieurs milliers d’imbécilles côte à côte comme des harengs en caque, les faire tourner à droite, à gauche tous en même temps, comme des mannequins qui tiennent au même fil, & ne faire de ces troupeaux de bêtes féroces qu’un seul corps, une seule muraille composée d’un pareil nombre d’automates, puisse les renverser du même choc & les étouffer le plus lestement possible. […] Car enfin, de quoi est composée cette multitude ? […] Qu’il ait osé imprimer, avec la véracité qu’on lui reconnoît, que j’ai composé un Livre d’athéïsme ; que, mis en prison à Strasbourg, je m’occupai, pendant ma captivité, à faire des Vers infames ; je n’ai qu’un mot à répondre : Je n’ai jamais écrit sur l’athéïsme, que pour m’élever contre les Athées ; de ma vie je n’ai été mis dans aucune prison ; de ma vie je n’ai vu Strasbourg que sur la carte. […] On sait que la plupart des Pamphlets qui ont paru contre la Magistrature, dans le temps de la disgrace des Parlemens, ont été composés par des Ecrivains Philosophes, & que les cinq ou six premiers étoient de la façon de leur auguste Coryphée.
Le roi lui écrivait lettres sur lettres ; Voltaire, qui se trouvait chez elle et à qui elle avait fait composer une comédie pour les fêtes de la Cour, à l’occasion du mariage du Dauphin, se prêtait à ce jeu d’Henri IV et de Gabrielle, et rimait madrigaux sur madrigaux : Il sait aimer, il sait combattre ; Il envoie en ce beau séjour Un brevet digne d’Henri quatre, Signé Louis, Mars et l’Amour. […] Elle a prouvé dans ses derniers moments que son âme était un composé de force et de faiblesse, mélange qui, dans une femme, ne me surprendra jamais. […] Mme de Pompadour avait une belle bibliothèque, très riche surtout en matière de théâtre, une bibliothèque en grande partie composée de livres français, c’est-à-dire de livres qu’elle lisait, la plupart reliés à ses armes (trois tours), et quelquefois avec de larges dentelles qui ornent les plats. […] Il existe d’elle au Cabinet des estampes un recueil intitulé L’Œuvre de Mme de Pompadour, composé de plus de soixante estampes ou gravures à l’eau-forte.