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511. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Je ne prétends point atténuer la gravité des circonstances où se trouve engagé notre pays, et je crois qu’on a besoin en effet de mettre en commun toute son énergie, toute sa prudence et tout son courage pour s’aider et pour l’aider lui-même à en sortir avec honneur. […] Montaigne alors sent que c’est en lui seul, après tout, qu’il peut se fonder dans la détresse et s’affermir, et que c’est le moment ou jamais de mettre en pratique ces hautes leçons qu’il a passé sa vie à recueillir çà et là dans les livres des philosophes ; il se ranime, il arrive à toute sa vertu : En un temps ordinaire et tranquille on se prépare à des accidents modérés et communs ; mais, en cette confusion où nous sommes depuis trente ans, tout homme françois soit en particulier, soit en général, se voit à chaque heure sur le point de l’entier renversement de sa fortune. […] Une autre considération plus humble et plus humaine le soutient dans ces maux, c’est cette consolation qui naît du malheur commun, du malheur partagé par tous, et de la vue du courage d’autrui.

512. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Le témoignage le plus grave qu’on puisse alléguer contre elle est un mot de son amie Ninon, au sujet de M. de Villarceaux, leur ami commun ; mais, dans ce même malin propos, Ninon convient qu’elle ne sait pas jusqu’où allèrent les choses, et que Mme Scarron lui parut toujours « trop gauche pour l’amour ». […] Mme de Montespan était maîtresse en titre du roi, lorsque, rencontrant Mme Scarron chez Mme d’Heudicourt, leur amie commune, et la trouvant si active, si dévouée, si discrète, si domestique en quelque sorte en tout honneur et avec dignité, elle ne put s’empêcher de penser que ce serait une acquisition précieuse si elle la pouvait avoir pour élever en secret les deux enfants naturels qu’elle avait de Louis XIV. […] Ce caractère de brièveté et de concision heureuse est particulier à Mme de Maintenon, et il ne lui est commun qu’avec Mme de La Fayette.

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