La philosophie est cette tête commune, cette région centrale du grand faisceau de la connaissance humaine, où tous les rayons se touchent dans une lumière identique. […] Puis, quand chacune des séries d’études devint assez étendue pour absorber des vies entières et présenter un côté de la vie universelle, chaque branche devint une science indépendante et laissa le tronc commun appauvri par ces retranchements successifs. Les fruits mûrs, après avoir grandi de la sève commune, se détachaient de la tige et laissaient l’arbre dépouillé. La philosophie ne conserva ainsi que les notions les moins déterminées, celles qui n’avaient pu se grouper en unités distinctes et qui n’avaient guère d’autre raison de se trouver réunies sous un nom commun que l’impossibilité où l’on était de ranger chacune d’elles sous un autre nom. Il est temps de revenir à l’acception antique, non pas sans doute pour renfermer de nouveau dans la philosophie toutes les sciences particulières avec leurs infinis détails, mais pour en faire le centre commun des conquêtes de l’esprit humain, l’arsenal des provisions vitales.
Les autres écrits de Nicole ne valent pas celui-ci ; il offre beaucoup de vérités communes exprimées longuement ; quoiqu’on y sente un philosophe qui connoît le cœur humain ; un philosophe qui est toujours chrétien. […] Les choses communes ou peu importantes qu’on y trouve, sont mêlées de quelques traits neufs & plaisent d’ailleurs par la maniere ingénieuse dont elles sont exprimées. […] Ainsi ses livres ne pouvant être faits pour le commun des lecteurs, nous nous dispenserons d’en rapporter le titre. […] Un respect plus profond pour nos mystères, une connoissance plus éclairée de la Religion & même du bien des hommes, lui auroient fait retrancher quelques Lettres qui sont très-dangereuses pour le commun des lecteurs, sans pouvoir être utiles aux lecteurs intelligens. […] Une variété agréable, une gaieté soutenue, une morale, onctueuse les ont fait rechercher, & quoiqu’il y ait des choses communes, plusieurs lecteurs les prefèrent à tous ses autres ouvrages, ou il y a trop de répétitions.