Le souci de l’exactitude, du réalisme, dont s’enorgueillit la Comédie larmoyante ou drame, entraîne la prédominance de la condition et des moyennes conditions sur le caractère « abstrait ». […] Cette poésie, la vraie, la pure, dont pas n’est besoin de donner d’exemples parce qu’on saura bien en trouver dans les chœurs des tragiques grecs, dans la Divine Comédie, dans Shakespeare, dans Wordsworth, dans Victor Hugo, — cette poésie possède le droit de s’asseoir aux côtés de la métaphysique sa sœur et peut se définir une métaphysique manifestée par des images et rendue sensible au cœur 19. […] Il est clair, comme j’ai tendu à le montrer au début de cette étude, qu’il existe un fond permanent grâce auquel l’Iliade, la Divine Comédie, Andromaque, demeureront toujours actuelles. […] Voir plutôt les Pouranas indous et les Psaumes hébraïques ; le Prométhée d’Eschyle et le De natura de Lucrèce ; la Divine Comédie de Dante et le Paradis perdu de Milton ; quoi encore ?
Romanciers, auteurs dramatiques, historiens, tous ceux qui ont entrepris de nous faire assister à la comédie humaine se conforment aux mêmes lois parce qu’elles leur sont imposées par les conditions mêmes de la vie. […] On le signalerait aussi bien chez Balzac ; mais ce n’est pas ce que nous admirons dans la Comédie humaine. […] Ceux des drames de Hugo et de Vigny qui n’ont pas péri valent par des mérites étrangers au théâtre, et les comédies de Musset ne sont pas du théâtre. […] On sait ce que c’est qu’une tragédie, une comédie, un mélodrame, un opéra, un vaudeville ; on ne sait pas ce que c’est qu’un drame romantique. […] C’est d’elle que s’inspire dix ans plus tard Balzac, dans sa Préface de la Comédie humaine, pour comparer l’humanité à l’animalité et assimiler le travail du romancier à celui du naturaliste.