Aussi n’aimé-je rien ; et nul objet vainqueur N’a possédé depuis ma veine ni mon cœur. […] On y voit combien l’impitoyable unité de lieu le tracasse, combien il lui dirait de grand cœur : Oh ! […] Les personnages de Corneille sont grands, généreux, vaillants, tout en dehors, hauts de tête et nobles de cœur. […] Ses héroïnes, ses adorables furies, se ressemblent presque toutes : leur amour est subtil, combiné, alambiqué, et sort plus de la tête que du cœur. […] Telle fut la vieillesse du grand Corneille, une de ces vieillesses ruineuses, sillonnées et chenues, qui tombent pièce à pièce et dont le cœur est long à mourir.
Enfant, il eut la prescience, des réalités supérieures et il s’obstina d’autant plus fièrement dans les révoltes qu’insuffle au cœur le premier sentiment de notre tragique misère. […] Il a pu nourrir des enthousiasmes à ses débuts, mais comme chacun en éprouve au pressentiment de choses neuves, sans qu’une sécurité réelle du cœur lui ait cependant jamais permis de s’en griser. […] Au contraire, tout en sentant qu’il devait moralement y perdre, mais pour la piquante saveur du geste qui devait en résulter, il se laissa aller si voluptueusement, devant les choses, à son goût de n’en saisir que le défaut, que ce fut miracle si, en en décrétant l’étrange et manifeste irrespectabilité, il lui resta encore assez de cœur pour en amuser seulement sa chère âme conciliatrice. […] Et puisque c’est d’aspirer en quelque sorte à cette direction qu’il fait montre, lorsqu’il s’applique à exercer une influence, à faire vibrer une corde, ne serait-ce que la moins essentielle du cœur, il nous doit donc un certain compte des raisons qu’il a de vouloir y réussir, comme il se devait de se demander quelle graine il allait semer qui méritât d’être féconde. […] L’âme peut y mal respirer, l’esprit n’y voir qu’une menace, le cœur y pressentir une déchéance, et le cœur, et l’esprit, et l’âme s’unir dans la plus tragique opposition, c’est bien au besoin de considération, d’agrément utile et savoureux, à la nécessité toujours plus affirmative d’un modus vivendi, propre à calmer notre soif jamais étanchée de bonheur, c’est bien à ces aspirations de l’être social que la victoire reste.