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672. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Faut-il que, ni au dedans ni au dehors de ces murailles de Byrsa, pas un homme ne dise en son cœur : Je suis homme ! […] L’auteur a voulu ici nous montrer un Hamilcar tout le contraire d’un Abraham, un père révolté, un cœur de lion grondant et rugissant de tendresse. […] Quant à Salammbô, à laquelle le lecteur à bout de sensations et d’abominations a moins que jamais le cœur de s’intéresser, dès longtemps fiancée à Narr’Havas, elle meurt en revoyant de ses yeux dans cet état horrible ce Mâtho, ce beau drôle de Lybien pour qui elle s’est sentie allumée dès le premier soir, et à qui elle s’est, de gaieté de cœur, abandonnée. […] Virgile et Apollonius, soyez à jamais bénis de tous les esprits délicats et de tous les cœurs tendres pour nous avoir laissé votre Didon et votre Médée : créations enchanteresses et immortelles ! […] Peu d’années fécondes sont accordées aux hommes, et même aux plus vrais talents : il faut en savoir user pour se loger à temps et s’ancrer au cœur et dans la mémoire des hommes nos contemporains : c’est encore le plus sûr chemin pour aller à la postérité.

673. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Elle qui m’a confié toute son âme et toute sa vie, quand moi-même je lui ai voué dans mon cœur toute la tendresse qu’on a pour une épouse, souffrirais-je qu’une nature aussi honnête, aussi pure, aussi bien élevée, en vienne, par misère, à tourner mal ? […] Elles sont encore gravées dans mon cœur, les paroles que Chrysis m’a dites sur Glycère. […] Tout est sobre, vrai, parti du cœur. […] Eschine, son neveu, son fils d’adoption, n’est pas rentré la nuit dernière ; et là-dessus le pauvre père se forge mille craintes : « Faut-il donc qu’un homme aille se mettre dans le cœur et se donner à plaisir des affections qui lui soient plus chères que lui-même ! […] Ici, c’est tout autre chose ; c’est le jeune homme en feu qui sort de la maison où il a conquis le bonheur ; il a besoin d’éclater, son cœur déborde ; il est dans l’impatience de dire au premier qui l’interrogera : Je suis heureux.

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