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1959. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

C’est le genre d’énergie qu’adore Stendhal. « L’énergie du moyen âge », les crimes furieux du xive  siècle, la soif délirante de vengeance tout à coup s’épanchant avec ivresse, le sang qui monte au cerveau et qui force à tuer avec un accès sauvage de joie folle, voilà l’énergie dont Stendhal cite cent exemples avec complaisance, et en s’écriant : « Il n’y a plus d’énergie en Europe depuis le xve  siècle. » A cet égard, le xive lui semble déjà une décadence, le temps de Napoléon une pâle et courte renaissance. […] — Et vous étudiez Stendhal comme théoricien littéraire sans dire un mot de la théorie des milieux, de cette vue de génie qui a simplement renouvelé la critique tout entière, disons mieux, qui l’a créée, puisqu’elle en a fait une science… — Non, je ne parlerai pas de la théorie des milieux, je ne citerai pas cette ligne : « Mon but est d’exposer avec clarté comment chaque civilisation produit ses poètes » ; ni celle-ci, d’ailleurs bizarre ; car je ne vois pas les énormes différences qu’il y a entre le climat de Londres et celui de Paris, ni entre le système politique de Louis XIV et celui d’Elisabeth : « Le climat tempéré et la monarchie font naître des admirateurs pour Racine ; l’orageuse liberté et les climats extrêmes produisent des enthousiastes de Shakespeare » ; et je ne chercherai pas à réduire en système les considérations incohérentes de l’Introduction à l’histoire de la peinture en Italie, d’où l’on peut conclure tour à tour, de dix en dix lignes, que le despotisme est éminemment favorable et absolument mortel aux beaux-arts ; je laisserai de côté ces vues profondes ; parce que Stendhal n’en a rien tiré, parce qu’une théorie n’a de valeur et ne devient titre de gloire que quand on s’en sert pour expliquer un certain nombre de faits, et pour grouper et pour soutenir et pour éclairer un certain nombre de vérités particulières ; parce que, quand un auteur n’a pas fait sienne une théorie par cet usage, ne la pas vérifiée par ces applications et ne l’a pas confirmée par cette suite, on peut toujours dire à coup sûr qu’à cet état rudimentaire elle était déjà dans un de ses prédécesseurs, et que tant s’en faut qu’elle fasse honneur, qu’au contraire en avoir eu l’idée et n’en avoir tiré rien est presque une preuve que tout en la découvrant on ne l’a pour ainsi dire pas comprise. — C’est bien, je crois, le cas de Stendhal.

1960. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Il cite de lui cette exclamation fort ridicule : « Je ne passe jamais devant les Variétés sans ressentir le frisson de la vie parisienne ! 

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