C’est dans cette circonstance que les amis doivent paraître ; leur désapprobation est plus utile quand on baisse, que leurs compliments lorsqu’on monte. […] Horace, en une ou deux circonstances, ne craignit pas d’aborder avec lui par lettres ce sujet délicat et intime, et il le fit avec une noblesse de cœur, une élévation de sentiments qui nous le montrent sous un jour vraiment nouveau. […] « En arrivant, j’ai trouvé, comme vous me l’aviez dit, une lettre de vous datée du 9, mon cher Delaroche ; quoique vous ayant vu depuis, j’y réponds par la raison toute simple qu’elle traite des questions graves qu’il m’importe à mon tour de traiter de vous à moi ; car je veux et je dois vous ouvrir mon cœur tout entier, au risque de vous déplaire sous certains rapports, et peut-être de voir nos relations se refroidir de nouveau ; mais il est des circonstances où ce serait un crime de se taire, puisqu’il y va de votre bonheur à venir et de vous préserver du plus affreux de tous les malheurs, de cette douleur sans compensation de rester seul sur la terre ! […] Pour mon compte, je viens de subir une rude épreuve contre laquelle je me roidissais depuis bien longtemps ; elle m’a confirmé dans la pensée que rien n’est plus fatal à un artiste que son éloignement de la multitude et du froissement du monde : l’isolement ne laisse prendre aucun repos à sa pensée dominante ; son sommeil même ne lui procure plus le moindre délassement ; une seule idée le domine sans cesse : elle l’use et l’énerve à force d’y songer, et, au bout du compte, il finit par ne plus savoir où il en est, faute d’objet de comparaison d’une part, et de l’autre parce qu’il ne rencontre plus sur sa route cet imprévu qui donne à chacun de nous la connaissance de sa force. » « Je suis convaincu, mon cher ami, que l’affaiblissement dans lequel je suis tombé est prématuré, que si les circonstances déplorables qui depuis une année ont changé mes rapports avec la société32 ne s’étaient pas présentées, je suis persuadé, dis-je, qu’il m’aurait été possible de soutenir plus longtemps le rang que mes travaux m’avaient assigné.
Non, Indiana n’était pas une œuvre isolée, née d’un concours de circonstances fortuites, et qui ne dût pas avoir de sœur ; non, l’auteur n’était pas seulement doué d’une âme qui eut souffert et d’un souvenir qui sût se peindre. […] Les moindres motifs, dont aucun n’est oublié, sont jetés, chemin faisant, sans affectation ; c’est quelque chose de mystérieux et d’aventureux dès l’abord, et toutefois pas une circonstance forcée, pas un hasard invraisemblable, pas un anneau de la chaîne qui fasse obstacle sous le doigt et qui crie.