Pour lui l’homme, au cours des longs siècles chrétiens, a subi une entorse violente du cerveau, alors que « vivre » équivalait à « végéter ». « Détournons nos regards du funeste passé ! […] Écoutons bien plutôt celle qui est un présent éternel, qui ne varie pas, la Nature. » Dix siècles d’anémie cérébrale, c’est-à-dire de spiritualisme chrétien, ont empêché la plante humaine de pousser des rameaux vigoureux dans l’espace, l’ont contrainte aux maigres efflorescences dénuées de couleurs vives. […] La conception chrétienne du monde et de l’homme, avec son ciel et son âme purement fictifs et irréels, a longtemps empêché la naissance d’un tel sentiment. […] Mais la fausse et faible parole chrétienne s’efface à mesure que grandit la réelle et forte parole humaine. […] Nous sentons clairement que le Dieu des chrétiens n’était comme tous les autres qu’un fantôme d’erreur ; et cependant la totalité de notre vie journalière, les moindres actions du monde, tous les faits qui nous environnent, la famille, les affaires, les institutions, le langage, ne sont-ils pas encore pétris de cette conception ruinée, que nous savons mensongère et néfaste, mais que la vie commune retient encore dans son inextricable complexité ?
Le vrai goût de l’éloquence chrétienne, dit-il dans la préface de ses Sermons, s’est toujours conservé à la Cour. […] Segaud a laissé six volumes de Sermons, dans lesquels on trouve un grand fond d’instruction, beaucoup d’élégance & d’énergie, & sur-tout cette onction qui est si nécessaire à un Orateur chrétien. […] Bourdaloue, est de ne s’écarter jamais de la morale chrétienne, d’y ramener tous ses sujets, & faire de chaque Sermon un petit traité complet en son genre. […] On y ressent trop ce misérable bel esprit, ce goût de pointes & d’antithèses que l’on préféroit vers le milieu du siécle dernier à ce beau naturel, à cette simplicité élégante, le vrai caractère de l’éloquence chrétienne. […] Un Journaliste, en faisant l’éloge de ces discours, trouvoit que l’auteur manquoit un peu de cette chaleur oratoire qui distingue les chaires chrétiennes des sociétés académiques.