Nous y avons gagné un Attila presque bourgeois, asiatique d’instinct, car il met la politique au-dessus de la guerre, ce qui est aussi le caractère européen de ces derniers temps, « créant des prétextes, entamant des négociations à tout propos, les enchevêtrant les unes dans les autres comme les mailles d’un filet où son adversaire finissait toujours par se prendre », spirituel, railleur, spéculant sur ses mariages, comme la maison d’Autriche, ses mariages dont il avait peu la dignité, aimant ses enfants à la manière des patriarches de la Bible, et leur tirant paternellement le joues, comme Napoléon tirait l’oreille à ses soldats enfin un Attila très pittoresque, très inattendu et très savoureux pour ceux qui cherchent dans l’histoire de sensations neuves.
Il sentait à son tour le poids de la responsabilité : « Ce que je crains le moins, ce sont les ennemis, écrivait-il ; et dès que j’aurai passé le Rhin, mon salut consiste à les chercher partout, et je désire seulement qu’ils ne prennent pas le parti d’éviter le combat. » Louis XIV fut mécontent de ce raisonnement prolongé et de cette persistance de Villars dans son propre sens : Vous m’aviez bien mandé, lui écrivit-il (19 mars 1703), le besoin que vos troupes avaient de repos, et la nécessité de leur donner un mois ou cinq semaines pour se rétablir, faire joindre leurs recrues, et les réparations dont elles avaient besoin pour être en état d’agir plus utilement ; mais vous ne m’aviez pas donné lieu de croire que vous les feriez repasser dans l’Alsace ; je devais même être persuadé que vous les feriez cantonner de l’autre côté du Rhin.