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190. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Heine confesse dans sa correspondance la profonde impression que lui fit la lecture du Wunderhorn d’Arnim (recueil de chansons enfantines et populaires), et, plus tard, d’une anthologie de Schnaderhupfl, petits quatrains à chute ironique, que l’on chante dans les Alpes allemandes, en dansant. […] Il apportait à Paris les romances tendres, tristes et vagues que l’on chante de la Forêt Noire aux Alpes Tyroliennes ; il prit en France la souplesse et la prestesse d’intelligence, la grâce, la mesure et l’esprit que Beaumarchais a légués à ses petits-fils du boulevard. […] Le décor est ce vague pays du lied allemand, plus indéterminé que la Sicile ou la Bohème de Shakespeare, un pays bleu où les fleurs murmurent, où les oiseaux ne chantent que pour réjouir ou contrister l’âme des amoureux, où le ciel est couleur de leur humeur. […] Il sait raconter de jolies histoires de fées, combiner un rapide scénario de ballet, se moquer galamment de ses créanciers, attaquer les puissances politiques et sociales avec le rire d’Aristophane, puis, comme ce dernier, faire chanter les oiseaux et babiller de jolies femmes. […] Par la douce phormynx, qu’Apollon lit retentir, Et par les muses, qui chantaient en se répondant par leur voix harmonieuse5.

191. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Il l’a perdue en effet, non d’un coup et à jamais, de même que cette belle et célèbre chanteuse qui, un soir, dans tout l’éclat de son talent, perdit soudainement sa voix, comme si on lui eût enlevé avec la main l’appareil par lequel on chante, et qui, depuis, ne la retrouva plus, même en la cherchant avec frénésie dans le fond de son pauvre gosier au désespoir ! […] Quand Gœthe, lutiné par l’idée de Voltaire, voulut jouer aussi à l’universalité, quand il se fit naturaliste, dessinateur, et dessinateur jusqu’au point de dire « qu’en dessinant, son âme chantait un morceau de son essence la plus intime », Gœthe tombait de son ancienne poésie, sentie, ressentie, exprimée, selon l’âme qu’il avait (et il n’en avait pas beaucoup), dans l’art élégant, ingénieux, fin, savant ; dans l’art qui est toujours le stérile, quoique le matériel amour des choses difficiles. […] Si, pour chasser de lui la terreur délirante, Elle chante parfois, une toux déchirante La prend dans sa chanson, pousse, en sifflant, un cri, Et lance les graviers de son poumon meurtri. […] C’est un Lamartine, en effet, à plusieurs Elvires, et dont la chair veut chanter comme chantait l’âme de l’autre… Cependant il a des traits bien à lui et qui ne manquent pas de cette fougue qui, si elle durait, tacherait le mors de sang (comme dans la pièce à M. 

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