Un peintre, et principalement un poëte qui traite un sujet sans interêt, n’en peut vaincre la sterilité, il ne peut jetter du pathetique dans l’action indifferente qu’il imite qu’en deux manieres : ou bien il embellit cette action par des épisodes, ou bien il change les principales circonstances de cette action. […] Si le poëte change les principales circonstances de l’action que nous devons supposer être un évenement generalement connu, son poëme cesse d’être vraisemblable. […] L’imprudence est grande d’attendre à demander avis sur un bâtiment, qu’il soit déja sorti de terre, et qu’on ne puisse plus rien changer dans l’essentiel de son plan sans renverser la moitié d’un édifice déja construit.
» Ici Montluc, soulagé enfin, dit qu’il avait bien entendu, mais qu’il demandait qu’il lui fut permis de donner aussi ses raisons, bien que sans espoir de faire changer la détermination qu’il voyait qu’on avait prise. […] » Le roi était plus qu’à demi gagné ; M. de Saint-Pol, lisant cela dans ses yeux, essaya de le retenir : « Sire, voudriez-vous bien changer d’opinion pour le dire de ce fou qui ne se soucie que de combattre, et n’a nulle considération du malheur que ce vous serait si perdions la bataille ? […] L’amiral d’Annebaut, soit qu’il ait changé d’avis de lui-même, soit que, placé en face du roi et du Dauphin, il voie à leur physionomie que le vent tourne décidément à la bataille, s’y laisse incliner également ; il ne dit mot, sourit comme les autres et ne contredit pas. Bref, le roi répond à M. de Saint-Pol qui revient à la charge et qui voudrait lui faire honte de changer ainsi d’avis sur le propos d’un fol enragé : « Foi de gentilhomme ! […] » Non ; la vertu, la vraie valeur consiste à être toujours en rapport avec le danger : elle change de forme, non de nature ; on est calme et immobile sous le feu, soit qu’on l’emploie et qu’on le dirige soi-même avec art, soit qu’on l’essuie sans le pouvoir éviter ; de même qu’on était ardent, l’épée ou la pique au poing.