Puis viennent les Ambigus : « Aimez-vous, aimez-vous sans cesse… », nº 168. […] Il a bien plus erré lorsqu’il s’est figuré que le bonheur du monde allait tenir à telle ou telle forme de constitution qu’il ne cessait de méditer dans ses veilles législatrices, et qu’il demandait à la mécanique sociale la plus rationnelle et la plus compliquée. […] s’écriait-il dès lors, et certes un homme appelé à nous servir de guide dans l’Assemblée nationale qui va décréter notre destinée. » Ce sentiment très profond de déférence, Mirabeau ne cesse de le lui exprimer dans chaque billet, où il l’appelle en toute occasion le maître : — « Mon maître, car vous l’êtes, même malgré vous ! […] L’oracle avait cessé ; il était accoutumé à se taire, mais non pas également peut-être à n’être plus même consulté.
Aussi le génie cherche-t-il sans cesse à dépasser la réalité, et nous ne nous en plaignons pas : l’idéalisme alors, loin d’être un mal, est plutôt la condition même du génie ; seulement, il faut que l’idéal conçu, même s’il n’appartient pas au réel coudoyé chaque jour par nous, ne sorte pas de la série des possibles que nous entrevoyons : tout est là. […] Le génie le plus complexe, parce qu’il est plusieurs, ne cesse pas d’être un : lui-même présente plus peut-être que les autres la marque de l’ineffabile individuum, et en même temps il porte en lui comme une société vivante. […] Hennequin, que l’influence du milieu social n’existe point pour la plupart des grands génies, comme Eschyle, Michel-Ange, Rembrandt, Balzac, Beethoven : c’est là un paradoxe ; mais nous accorderons que cette influence cesse d’être prédéterminante dans les communautés extrêmement civilisées, telle que l’Athènes des sophistes, la Rome des empereurs, l’Italie de la Renaissance, la France et l’Angleterre contemporaines. […] Nos goûts littéraires eux-mêmes varient sans cesse ; l’un chasse l’autre, et dans la même journée : ce matin George Sand, ce soir Balzac.