Quoiqu’elle l’ignorât, en entrant dans cette chambre elle tressaillit, et comme on lui demandait la cause de son émotion : « J’ai, dit-elle, l’impression distincte d’être venue autrefois dans cette chambre. […] Et d’ailleurs, le cerveau ne peut jamais être deux fois dans le même état, pas plus que notre pensée, à laquelle on peut justement appliquer le mot d’Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, ni dans le même courant de représentations. » Ceux à qui la métaphysique, cette recherche des causes, inspire une sorte de sacer horror, prendraient volontiers pour devise, à l’encontre de Virgile : Felix qui potuit rerum non quærere causas. […] Quoique l’image soit le renouvellement partiel des vibrations cérébrales qui accompagnent la perception, nous situons la cause de l’image moins loin que celle de la perception, ou même nous ne la situons pas. […] Ce qui cause ici l’embarras de l’école anglaise et l’expose aux objections, c’est toujours le caractère linéaire qu’elle attribue à la conscience. […] Le mouvement, une fois produit, se creuse mécaniquement un canal dans la masse cérébrale ; par cela même la résistance diminue, et avec la résistance l’émotion agréable ou pénible qui avait été pourtant la cause première de tout le reste.
Si elle n’est l’objet d’aucun jugement, l’image est par là même déclarée neuve, inventée, sans cause et sans objet ; elle est une imagination. […] La parole intérieure considérée comme habitude Pour expliquer cette force étrange, que les origines de la parole intérieure ne pouvaient faire prévoir, il est nécessaire de recourir à des causes d’ordre supérieur. […] En résumé, si une cause sensible et facilement observable, le son de la parole audible, suffit pour expliquer la nature spécifique de l’image qui sert de signe intérieur à la pensée, cette même cause ne peut suffire à expliquer l’extension merveilleuse de la parole intérieure, son indépendance, sa vitalité, le caractère impérieux que prend en nous cette habitude ; l’état fort ne rend pas raison de l’état faible, car l’effet dépasse la cause [ch.