Or Sénecé en a fait beaucoup de faibles, de médiocres et d’inutiles, c’est le cas de tous les auteurs d’épigrammes ; mais il en a fait aussi de bonnes, et en voici une qui me paraît excellente ; elle est imitée ou plutôt inspirée de Martial et de ses vœux de bonheur, mais avec un rajeunissement original et piquant ; elle est adressée à Bellocq, valet de chambre de Louis XIV, ancien camarade et ami intime de Sénecé : Pour être heureux, je, voudrais peu de chose Esprit bien sain, tempérament de fer, D’argent comptant bonne et loyale dose, Glace en été, bon feu pendant l’hiver ; Amis choisis, et livres tout de même ; Un peu de jeu, sans pourtant m’y piquer ; Point de procès, dispense de carême. […] Lorsque celui-ci arriva au timon de l’État, c’eût été le cas pour Sénecé de reparaître à la Cour ; l’exemple était encourageant pour tous ceux qui avaient quatre-vingts ans ; mais il se sentit décidément trop vieux, et se dit qu’il était trop tard pour recommencer.
Je ne vois guère que deux points où son bon sens si ferme se trouve en défaut : la révocation de l’Édit de Nantes, qu’il a louée comme l’a fait presque tout son siècle (mais peut-être, de sa part, était-ce une pure concession politique), et le détrônement de Jacques II ; en ce dernier cas il a certainement obéi à une indignation généreuse et à un sentiment de pitié. […] Je ne sais si vous y trouverez votre compte ; mais, en cas de succès, le produit sera pour ma petite amie. » Le libraire accepta.