Nous la conservons cependant et elle nous paraît, à l’exemple de toutes les bonnes définitions, exprimer avec précision, non pas tel état de l’œuvre d’art, mais son devenir, le sens dans lequel elle se développe, et le but dont approchent le plus les plus hautes2. […] Car il est évident que les idées émises dans ces écrits à demi-savants, sont choisies par l’auteur, non en raison de leur caractère esthétique, de l’effet émotionnel qu’ils peuvent produire, mais en raison de leur vérité, c’est-à-dire pour une qualité que l’auteur est forcé de subir et qu’il ne peut modifier ni en raison de ses aptitudes, ni en raison du but qu’il poursuit. […] Sully Prudhomme dans l’Expression : « Toute œuvre d’art a pour but de vous émouvoir au moyen d’un certain composé de sensations. » (NdA) 3.
On embrasse ici ces deux objets, parce que le Poëte & l’Orateur, (ainsi qu’on l’observe) n’ayant tous deux que le même but, celui de plaire, de toucher, d’instruire, ils ne différent que dans la maniere d’employer les moyens qui leur sont communs : mais la poétique n’est pas longue, parce qu’on se propose moins de former des Poëtes que des lecteurs éclairés. […] Il fait un si grand cas de la force de l’action, qu’il décide qu’un Missionnaire de Village, qui sçait effrayer & faire couler des larmes, frappe bien plus au but de l’éloquence, qu’un Prédicateur dont le style est châtié, & le raisonnement solide, mais dont l’action est languissante. […] Il convient de l’importance des Sermons, il veut qu’on y assiste, & il recommande cette pratique ; mais il voudroit que dans tout discours on eût pour but unique de diminuer le nombre des injustices, & d’augmenter celui des bienfaisances du plus grand nombre des auditeurs : il traite tout le reste de vérités spéculatives.