/ 1531
453. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

L’hallucination peut être doublée par un prisme ou un miroir, amplifiée par une lentille ; tracez un trait sur une carte blanche et dites ait sujet que c’est la photographie de Victor Hugo, il apercevra la photographie. […] Delbœuf, un sujet, après avoir soupesé une carte blanche prise dans un paquet de cartes On a émis cette hypothèse que la pensée de l’hypnotiseur se transmet à l’ouïe de l’hypnotisé par l’intermédiaire de la parole. […] Miss Goodrich avait détruit une lettre : quand elle veut répondre, elle ne se rappelle plus l’adresse ; après de vains efforts, elle consulte son cristal, et bientôt elle a la vision des mots Hibb House, en lettres grises sur fond blanc. Elle se risque à envoyer sa lettre à cette adresse, et bientôt elle reçoit la réponse avec cet en-tête : Hibb House, en lettres grises sur fond blanc. […] Persuadez à un sujet qu’il y a une photographie sur une carte blanche, il retrouvera la carte dans le paquet, entre cent autres, quoique vous n’y aperceviez, aucune différence.

454. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

L’Ouverture de Tannhaeuserap Dans un paysage comme la nature n’en saurait créer, dans un paysage où le soleil s’apâlit jusqu’à l’exquise et suprême dilution du jaune d’or, dans un paysage sublimé où sous un ciel maladivement lumineux, les montagnes opalisent au-dessus des bleuâtres vallons le blanc cristallisé de leurs cimes ; dans un paysage inaccessible aux peintres, car il se compose surtout de chimères visuelles, de silencieux frissons, et de moiteurs frémissantes d’air, un chant s’élève, un chant singulièrement majestueux, un auguste et pacifiant cantique élancé de l’âme des las pèlerins qui s’avancent en troupe. […] Alors un nuage irisé des morbides couleurs de la flore rare, des violets expirés, des roses agonisants, des blancs moribonds des anémones, se déroule puis éparpille ses moutonneux flocons dont les ascensionnelles nuances se foncent, exhalant d’inconnus parfums où se mêlent le relent biblique de la myrrhe et les senteurs voluptueusement compliquées des extraits modernes. […] Il semble que la Vénus du musicien soit la descendante de la Luxuria du poète, de la blanche Belluaire, macérée de parfums, qui écrase ses victimes sous le coup d’énervantes fleurs ; il semble que la Vénus wagnérienne attire et capte comme la plus dangereuse des déités de Prudence, celle dont cet écrivain religieux n’écrit qu’en tremblant le nom : Sodomita Libido. […] Inondé d’ineffables promesses et d’ardents effluves, il tombe, délirant, dans les bras des polluantes Nuées qui l’enlacent ; sa personnalité mélodique s’efface sous l’hymne triomphant du Mal — puis la démoniaque tempête de la chair qui rugit, les éclairs sulfureux et les jets phosphoriques qui grondent dans l’orchestre s’apaisent ; l’incomparable éclat de ces grands cuivres qui semblent une transposition des aveuglantes pourpres et des somptueux ors de Delacroix, s’affaissent — et un susurrement d’une ténuité délicieuse, un frôlement presque deviné de sons adorablement bleus et aériennement roses, frissonne dans l’éther nocturne qui déjà s’éclaire. — Puis l’aube apparaît, le ciel hésitant blanchit comme peint avec des sons blancs de harpe, se teint de couleurs encore tâtonnantes qui peu à peu se décident et resplendissent dans le magnifique alléluia, dans la fracassante splendeur des timbales et des cuivres. […] Lui aussi associe la harpe à la couleur blanche.

/ 1531