» Et quelle fraîcheur matinale et pure dans le couplet suivant, que tant de poëtes latins modernes ont travaillé à imiter sans l’atteindre : « Déjà la blanche violette fleurit, et fleurit le narcisse ami des pluies, et les lis fleurissent sur les montagnes ; mais la plus aimable de toutes, la fleur la plus éclose entre les fleurs, Zénophila, est comme la rose qui exhale le charme. […] Il nous a dit en six vers dont le rhythme seul pourrait figurer la légèreté, l’entrelacement et l’abondance : « Je tresserai la violette blanche, je tresserai le tendre narcisse avec les myrtes, je tresserai les lis riants, je tresserai le safran suave, et encore l’hyacinthe pourpré, et aussi je tresserai les roses chères à l’amour, afin que, sur les tempes d’Héliodora aux grappes odorantes, la couronne frappe de ses fleurs les belles boucles de sa chevelure. » — J’aime à croire que ce ne fut que dans les débuts de sa liaison qu’il doutait assez de cette chère Hélio-dora pour s’écrier, tandis qu’il se dirigeait le soir vers sa demeure : « Astres, et toi, Lune qui brilles si belle aux amants, Nuit, et toi, petit instrument compagnon des sérénades, est-ce que je la trouverai encore l’amoureuse, sur sa couche, tout éveillée et se plaignant à sa lampe solitaire ? […] Et s’égaye aussi le bouvier jouant de sa flûte sur les montagnes, et le chevrier de chèvres se réjouit de ses blancs chevreaux. […] Les belles œuvres industrieuses occupent les abeilles nées des flancs des taureaux, et, assises sur la ruche, elles fabriquent les blanches beautés des rayons humides aux mille trous.
La chèvre laitière était tombée morte du coup, sur le corps d’un des deux chevreaux blancs qu’elle allaitait ; l’autre, blessé d’une chevrotine au cou, tout près des oreilles, perdait tout son sang et était venu se réfugier, par instinct, entre les pieds nus de Fior d’Aliza ; le petit chien, une jambe de devant à demi coupée par une balle, hurlait, en traînant sa jambe, derrière elle ; la pauvre petite, atteinte elle-même de quelques gros grains de plomb qui avaient ricoché, aux deux bras, jetait des cris déchirants, non sur ses blessures qu’elle ne sentait pas, mais sur le carnage de sa chèvre, de ses chers chevreaux et du pauvre Zampogna ; elle courait vers nous en emportant le chevreau expirant sur son sein, suivie de Zampogna qui marchait sur trois pattes et qui arrosait l’herbe de son sang. […] Ma main glissa du front sur le cou ; ce fut bien une autre surprise, monsieur : au lieu de cette douce peau blanche d’enfant qui caressait la main comme une feuille lisse et fraîche de muguet, quand je touchai ses épaules à l’endroit où elles sortent du corsage de laine, je sentis le rude poil velu d’une veste de bure, comme celle des pifferari des Abruzzes, et, en descendant plus bas vers la taille, une ceinture de cuir à boucles de laiton, de larges braies et de grosses guêtres boutonnées sur des souliers ferrés qui résonnaient comme des marteaux sur l’enclume. […] Regardez ce bel enfant de trois mois qui dort, tout rose, sur sa coupe blanche et toujours pleine ; c’est pourtant un fruit d’une veille de mort. […] Quant à l’enfant, il continuait à dormir sur le blanc oreiller, pendant que la jeune femme allait raconter comment il était venu au monde, entre deux rosées de sang et de larmes.