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683. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Quand, dans le moyen âge de Rome papale, la belle et infortunée Cinci devint complice de la mort d’un tyran féodal, féroce et incestueux, qui était son père, et quand la juste inflexibilité du pape refusa la grâce d’une coupable, grâce que toute l’Italie demandait à cause de la fatalité, de l’innocence et de la beauté de la victime, un peintre illustre saisit son pinceau et retraça, pendant qu’elle marchait à l’échafaud, la figure angélique et la pâleur livide de la Cinci ; ce portrait rendit à la condamnée une vie immortelle. […] À son arrivée en France, sa beauté avait ébloui le royaume : cette beauté était dans tout son éclat. […] Ses cheveux blond-cendré étaient longs et soyeux ; son front haut et un peu bombé venait se joindre aux tempes par ces courbes qui donnent tant de délicatesse et tant de sensibilité à ce siège de la pensée ou de l’âme chez les femmes ; les yeux de ce bleu clair qui rappelle le ciel du Nord ou l’eau du Danube ; le nez aquilin, les narines bien ouvertes et légèrement renflées, où les émotions palpitaient, signe du courage ; une bouche grande, des dents éclatantes, des lèvres autrichiennes, c’est-à-dire saillantes et découpées ; le tour du visage ovale, la physionomie mobile, expressive, passionnée ; sur l’ensemble de ces traits, cet éclat qui ne se peut décrire, qui jaillit du regard, de l’ombre, des reflets du visage, qui l’enveloppe d’un rayonnement semblable à la vapeur chaude et colorée où nagent les objets frappés du soleil : dernière expression de la beauté qui lui donne l’idéal, qui la rend vivante et qui la change en attrait. […] Cependant, je le répète, moins indulgent que cette princesse envers moi-même, je me reproche amèrement d’avoir employé une expression malheureuse, quoique promptement effacée, en parlant d’une reine enivrée de jeunesse, de beauté, de puissance, d’adulations, et qui devait être plus tard l’éternelle victime et l’éternel remords de la Révolution.

684. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

XII Dès son enfance il était remarquablement beau ; non de cette beauté ostentative qui s’étale et qui s’affiche sur la physionomie, mais de cette beauté modeste, pleine de pensée et voilée de réticences, qui s’insinue dans l’âme par le regard. […] Elle menait à Londres, à Paris, et surtout dans son palais de Rome et à Naples, la vie somptueuse d’une femme célèbre par sa beauté, par son esprit et par ses richesses ; elle s’était faite cosmopolite, mais surtout Italienne par passion pour le soleil et pour les arts. […] Elle était déjà d’un certain âge, et l’on voyait dans toute sa personne, aussi délicate que majestueuse, les traces plutôt que l’éclat de sa grande beauté. […] Le cardinal, tel que nous venons de le dépeindre, quoiqu’il eût à cette époque soixante ans, avait mieux que la beauté : il avait tout le charme que la renommée, le génie, l’attrait physique et moral pouvaient inspirer à une femme lasse d’amour, mais non d’empire.

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