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758. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Mais, en revanche et aux belles heures, on se fait aussi près d’elles l’idée d’une certaine perfection, d’un certain atticisme, de quelque chose de net, de bien dit, de définitivement pensé, et qui ne se reverra plus. […] Mais cependant, même après Chateaubriand ou pendant Chateaubriand, sous le Premier Empire et sous la Restauration, il se voyait encore de bien beaux restes, des coins réservés d’atticisme. […] Notre tante (M. d’Hénin était cousin germain de ma grand-mère) avait été belle, à la mode, et, je pense, un peu coquette. […] Que de beaux faits d’armes n’eussent pas illustré cette jeune noblesse qui courait en Amérique malgré son roi ! […] Les imaginations vives se flattaient de voir réaliser les plus belles chimères, ou se dépouillaient avec satisfaction de ce qu’on croyait abusif, pensant naïvement s’élever ainsi à une hauteur morale que les masses auraient la générosité de comprendre et de respecter.

759. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Ce fut la ligne que suivirent les Cramer, les Calandrini, les Abauzit, et qu’observa lui-même dans sa belle et juste carrière Charles Bonnet, le dernier de tous et le plus en vue. […] De même pour les Français, qu’il goûte sans les flatter, qu’il déshabille hardiment, cherchant le solide sous les belles manières, et à qui, dès qu’il n’y trouve pas son compte (ce qui lui arrive souvent), il dit des vérités suisses avec beaucoup d’esprit. Observateur philosophe, il a pourtant un défaut marqué dans ces lettres sur la France, qu’il a retouchées après coup plus que les premières : il y raisonne trop, il disserte ; il distingue sans cesse entre le bon et le beau. […] L’art et le travail s’y trouvent joints à des talents de nature, et le poète a su employer heureusement les plus beaux traits des poètes anciens et s’en parer. […] La plupart des hommes croiraient ne savoir pas vivre s’ils les entretenaient naturellement et d’autre chose que d’elles-mêmes ; il leur paraît que de ne pas dire à une femme, du moins de temps en temps, qu’elle est belle et qu’elle a de l’esprit, ce serait lui faire entendre que la beauté et l’esprit lui manquent.

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