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1064. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Il faudra que la Critique sérieuse de l’avenir compte avec ce Mauvais Garçon… Mort à l’âge où le talent n’est que le bouton entr’ouvert d’une rose qui aurait été délicieuse, si elle se fût épanouie, l’auteur du Myosotis aurait pu être pleuré par un Virgile, et ce n’est pas cependant une simple espérance que Virgile eût pleurée. […] Henri Mürger, l’auteur de la Vie de Bohême, n’a jamais eu quarante ans, de fait, pour l’Imagination contemporaine, et ce n’est point, parce qu’en le lisant, l’Imagination est devenue grisette. […] Henri Mürger souffrit les mêmes souffrances qu’Hégésippe Moreau et si même son talent ne rencontra pas le même hasard de culture, si par ce côté-là il fut plus à plaindre que le poète de Provins, qui avait toutes les roses de son pays dans sa pensée, l’auteur de la Vie de Bohême eut tout de suite l’applaudissement collectif autour de son nom, et, plus tard, le temps de jouir d’une petite gloire, tandis que le pauvre Hégésippe n’a jamais fait manger à sa faim l’applaudissement de personne, pour la calmer. L’auteur du Myosotis a pu mourir doutant de lui-même.

1065. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

L’auteur du Corneille inconnu a été bercé avec ce nom de Corneille, donné par le hasard à un aigle, et que voilà, par le fait du génie, presque aussi fier et aussi beau que le nom de l’aigle romaine. […] L’auteur du Corneille inconnu a écrit son livre avec cette critique patiente, exacte, microscopique, contractée peut-être chez Sainte-Beuve, à laquelle il a mêlé pourtant une raison plus large et un ton plus grave et plus froid. […] Malgré des timidités qui sont peut-être encore des timidités réfléchies et volontaires, dans un esprit aussi brave et même aussi pétulant que celui de l’auteur du Corneille inconnu quand il ne résiste pas à sa spontanéité, Corneille est vengé ici jusque de Voltaire. […] Jules Levallois, qui aurait dû, pour rester dans la mesure, appeler son ouvrage : Corneille méconnu, a tiré de l’oubli les tragédies qui y sont trop tombées : Attila, Théodore, Médée, Œdipe et tant d’autres, et il a prouvé, par le raisonnement et par les plus intéressantes citations, que l’auteur du Cid, de Polyeucte et des Horaces, n’avait pas versé tout son génie dans ces chefs-d’œuvre, dont on s’est servi pour borner et étouffer sa gloire, tout en la proclamant.

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