» « (24 janvier 1847)… Je t’envoie avec celle-ci quinze francs que tu n’attends pas avec l’impatience que j’ai eue à te les envoyer ; mais nos misères sont loin d’être améliorées. […] Laisse faire le temps et Dieu, et ne cesse pas d’aimer ta triste sœur. » « (8 mars 1847)… Tu vois, mon ami, que je t’écris seulement aujourd’hui pour te dire d’attendre, et que je n’ai pas voulu retarder ma lettre jusqu’au moment où je pourrai y joindre un envoi d’argent. […] « Ils sont tous affreusement malheureux à Rouen78 ; mais tu souffres bien assez sans que je te raconte toutes ces détresses. — Attendons et croyons. » « (15 juin 1847)… Quant à moi, cher Félix, je suis tellement dénuée encore que je n’ai pu t’écrire plus tôt, ne pouvant même affranchir ma lettre.
Voilà près d’un demi-siècle, voilà quarante-quatre années du moins que M. de Chateaubriand a inauguré notre âge par Atala, par le Génie du Christianisme, et s’est placé du premier coup à la tête de la littérature de son temps : il n’a cessé d’y demeurer depuis ; les générations se sont succédé, et, se proclamant ses filles, sont venues se ranger sous sa gloire ; presque tout ce qui s’est tenté d’un peu grand dans le champ de l’imagination et de la poésie procède de lui, je veux dire de la veine littéraire qu’il a ouverte, de la source d’inspiration qu’il a remise en honneur ; ce qu’on a, dans l’intervalle, applaudi de plus harmonieux et de plus brillant est apparu comme pour tenir ses promesses et pour vérifier ses augures ; il a eu des héritiers, des continuateurs, à leur tour illustres, il n’a pas été surpassé ; et aujourd’hui, quand beaucoup sont las, quand les meilleurs se dissipent, se ralentissent ou se taisent, c’est encore lui qui vient apporter à la curiosité, à l’intérêt de tous, un volume impatiemment attendu, et qui n’a, si l’on peut dire, qu’à le vouloir pour être la fleur de mai, la primeur de la saison. […] Des pays enchantés où rien ne vous attend sont arides. […] Peu à peu le style se glace ou s’irrite ; le jour de poste n’est plus impatiemment attendu, il est redouté ; écrire devient une fatigue.