Il laisse avec mélancolie errer ses regards en arrière ; il porte au-dedans de lui une vague inquiétude dont il ignore la cause ; il se crée des sentiments factices, et qu’il sait être ainsi, pour suppléer aux émotions qu’il ne retrouvera plus ; il s’étonne du désenchantement où il est plongé ; il a beau être séparé de la religion, ou par les passions dont il est devenu le jouet infortuné, ou par les séductions d’un esprit raisonneur, qui, à force de vouloir approfondir, égare ; il ne peut être sourd aux plaintes touchantes d’une mère, qui ne devait pas s’attendre à lui voir trahir ce qu’elle regardait comme ses plus chères espérances, ni aux terribles accusations de ses aïeux, qui lui reprochent, du fond de la tombe, d’avoir abandonné la portion la plus précieuse de leur héritage. […] Quel bien attendriez-vous encore de lui ?
Ce littérateur amateur, qui ne fit point de littérature comme nous autres les faiseurs de livres, ce paresseux occupé, ce penseur pour la volupté pure de penser, cet écrivain qui, comme il l’a dit, et même comme il en a fait un précepte, attendait, pour écrire un mot, que la goutte d’encre qui devait tomber de sa plume se changeât en goutte de lumière, ce sybarite de l’esprit qui passa sa vie à bien déplier ses feuilles de rose pour ne pas en trouver le repli qui l’aurait fait souffrir, fut une rareté dans la littérature française en ne voulant rien être du tout. […] L’excellence du neveu ne vaut pas pour nous la bonté d’une notice ; mais qu’attendre des éditeurs qui nous donnent celle-là, quand les parentés les priment et les brident ?