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1625. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Avec de tels moyens il se croyait un Orphée, et il l’emportait sur tous les artistes musiciens par la haute opinion qu’il avait de son talent. […] Voilà, certes, des raffinements bien extraordinaires, et nous devons rougir de n’être encore que des ignorants dans cet art des acclamations et des applaudissements que nous nous imaginions avoir perfectionné : il est vrai que, pour un artiste d’une aussi grande importance que Néron, on y faisait plus de façons que pour un acteur vulgaire : les frais, d’ailleurs, n’étaient pas épargnés, et les chefs des compagnies avaient de gros appointements. […] » Obligé par état de parler chaque jour de musiciens et de chanteurs, j’ai cru devoir saisir l’occasion de Britannicus pour m’étendre sur les aventures théâtrales d’un homme qui, par l’éclat de son rang et de sa naissance, mériterait d’être regardé comme le patron des chanteurs et des musiciens, si d’ailleurs il ne déshonorait pas, par son caractère, les arts et les artistes. […] Tous les essais de nos artistes tragiques annoncent une singulière faiblesse de conception et une grande mesquinerie d’exécution : ils pensent faux et s’expriment mal ; ils prennent le niais pour le naturel, le bizarre pour le neuf, et l’extravagant pour le sublime. […] Un artiste supérieur écrase les talents vulgaires ; c’est un astre qui brûle tout ce qui se trouve au-dessous de lui.

1626. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

C’est la déformation la plus dangereuse, celle des historiens artistes, d’Hérodote, de Tacite, des Italiens de la Renaissance. — La déformation lyrique exagère les sentiments et les émotions de l’auteur et de ses amis, pour les faire paraître plus intenses : on doit en tenir compte dans les études qui prétendent reconstituer « la psychologie » d’un personnage. […] Mais les historiens n’ont pas cette discipline ; habitués à imiter les artistes, beaucoup ne pensent pas même à se demander ce qu’ils cherchent : ils prennent dans les documents les traits qui les ont frappés, souvent pour un motif personnel, les reproduisent en changeant la langue et y ajoutent les réflexions de tout genre qui leur viennent à l’esprit. […] Il faut seulement avoir soin de distinguer le personnel qui créait ou maintenait les habitudes (artistes, savants, philosophes, créateurs de la mode), et la masse qui les recevait. […] Il faudra distinguer ces différences, sous peine d’expliquer les actes des artistes et des savants par les croyances et les habitudes de leur prince ou de leurs fournisseurs. […] Et, par-dessus tout, ils s’appliquent, avec le talent qui leur a été départi, à faire œuvre d’artiste ; s’y appliquant, ceux qui n’ont pas de talent sont ridicules, et le talent de ceux qui en ont est gâté par la préoccupation de l’effet.

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