Bref, par une cause ou par une autre, à un certain moment, il nous arrivera, à nous Modernes, comme à l’antiquité, un peu moins si vous le voulez ; le temps l’a décimée, on nous triera. […] un seul lui tiendra lieu de tous ; le premier trouvé la dispensera des autres. » J’étais arrivé au dernier paroxysme de mon rêve, je m’éveillai en poussant un cri. […] Le pire qui nous puisse arriver, c’est que nous serons tous plus ou moins immortels, et bien loin que quelques-uns d’un peu intéressants se perdent tout entiers, dignes et moins dignes nous vivrons tous avec part au soleil et presque ex æquo.
Jefferson, d’ailleurs, qui voyait toujours en perspective, pour un avenir plus ou moins éloigné, la séparation presque inévitable de certains États de l’Union, avait certes raison de ne pas vouloir compliquer leur charge commune, solidaire, croissante, ce qui arrive en matière de finances particulièrement. […] De tels hommes, au lieu de s’embarrasser des divergences et des réfractions multipliées de la pensée religieuse dans le cours des temps, appliquaient immédiatement à l’examen des questions un rayon simple et bien dirigé, et ils arrivaient à la vérité morale par un accès naturel, sans passer à travers les vestibules, les dédales et toutes les épreuves irritantes du vieux monde. […] Les conseils que Jefferson adressa en toute occasion aux jeunes gens qui le consultaient sur leurs études et sur leur vie, respirent l’indulgence, le respect d’autrui, la saine pratique, « Il préférait, comme Condorcet l’a dit encore de Franklin, il préférait le bien qu’on obtient de la raison à celui qu’on attend de l’enthousiasme, parce qu’il se fait mieux, arrive plus sûrement et dure plus longtemps. » Jefferson ne proscrivait pas néanmoins les élans de l’âme ; il voulait que l’homme embrassât les délices des affections, même au risque des douleurs.